Parcours
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Chacun cherche son chat
collection Paris Île-de-France
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Pour un cinéphile, Paris n'est pas seulement la ville où se sont tenues les premières séances de cinéma commercial, ou celle
où co-existent encore le plafond "atmosphérique" du Rex, les décors chinois de la Pagode, les fauteuils usés du Saint-André-des-Arts, les écrans géants du MK2 ou de l'UGC.
Ce n'est pas seulement la ville où se fait la majeure partie du cinéma français, ni celle où l'on peut découvrir, davantage
que partout ailleurs, le cinéma du monde entier. Pour un cinéphile, Paris est une ville peuplée de fantômes. Présentation
de tous ces personnages, fictifs ou réels, qui la hantent.
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S'il vit ou s'il vient à Paris (ce n'est pas indispensable : certains amoureux des salles obscures ont une vision bien précise
de cette ville sans y avoir jamais mis les pieds), il sent parfois à ses côtés la présence des acteurs, il entend résonner
les répliques, la musique d'un film. Ainsi, tandis qu'il longe le canal Saint-Martin, se glisse devant ses yeux l'ombre d'Arletty
; dans la rue Campagne-Première retentissent les coups de feu d'A bout de souffle ; au parc Montsouris marche toujours la Cléo d'Agnès Varda ; et, dans l'église Saint-Eustache, Nestor épouse Irma la douce.
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Paris est une des villes les plus filmées au monde et de la façon la plus diverse : explorée dès l'origine par les cinéastes documentaires, par les opérateurs des actualités cinématographiques puis par ceux de la très centralisée télévision française, elle a été imaginée, rêvée, transformée, mythifiée par les cinéastes
de fiction du monde entier : français, russes, africains, allemands, italiens, et bien sûr américains.
Dès 1895, les opérateurs Lumière enregistrent quelques aspects de la vie quotidienne de la capitale : il subsiste un peu plus d'une centaine de ces vues.
Pour l'Exposition universelle de 1900, Louis Lumière fut rejoint par Thomas Edison, dont les envoyés spéciaux filmèrent notamment des plans magnifiques du fameux trottoir roulant (La plate-forme mobile). Entre 1909 et 1931, c'est le banquier humaniste Albert Kahn qui, constituant ses "Archives de la planète", rassemble d'extraordinaires images de la ville alors en pleine transformation. Pendant ce temps, Georges Méliès construit
son studio de prise de vues dans sa propriété de Montreuil en 1897, Charles Pathé s'installe à Vincennes, et Léon Gaumont inaugure en 1905 la "cité Elgé" aux Buttes-Chaumont.
Ville d'accueil des artistes du monde entier, Paris est transfigurée à l'écran sous leur regard : les cinéastes issus de l'immigration
russe la magnifient (Ménilmontant de Dimitri Kirsanoff, 1926 ; Dans les rues de Victor Trivas, 1933), les décorateurs Lazare Meerson et Alexandre Trauner, les opérateurs Eugen Shüfftan et Kurt Kurant
inventent un Paris populaire largement mythique avec René Clair (Sous les toits de Paris, 1930 ; Le million, 1931) puis Marcel Carné (Jenny, 1936 ; Hôtel du Nord, 1938). Ainsi, ce qui est devenu l'une des images les plus célèbres de Paris dans le monde entier - le réalisme poétique
- doit-il beaucoup aux regards qu'ont portés sur lui les émigrés du cinéma…
Sous l'Occupation puis à l'après-guerre, le tableau se noircit : Jacques Becker (Falbalas, 1945), Claude Autant-Lara (Douce, 1945 ; La traversée de Paris, 1956), Henri-Georges Clouzot (Quai des Orfèvres, 1947), Julien Duvivier (Panique, 1946 ; Voici le temps des assassins, 1955) dessinent un portrait plus noir, plus grinçant.
L'image du "Paris de toujours" survit dans le cinéma musical (Nous irons à Paris de Jean Boyer, 1949), chez Sacha Guitry (Si Paris nous était conté , 1955) ou dans le cinéma américain (Un Américain à Paris et Gigi de Vincente Minnelli, 1951 et 1958 ; Drôle de frimousse de Stanley Donen, 1957 ; Tout le monde dit I love you de Woody Allen, 1996).
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La Nouvelle Vague fait exploser tout cela : avec A bout de souffle (Jean-Luc Godard, 1960), Les 400 coups, Tirez sur le pianiste (François Truffaut, 1959 et 1960), Le signe du lion (Eric Rohmer, 1959), Paris nous appartient (Jacques Rivette, 1960) et beaucoup d'autres, elle redescend dans la rue, filme de nouveau les Parisiens, redécouvre la ville
comme lieu de l'aventure, de l'amour, du destin. Paris est le sujet d'un film collectif réunissant Claude Chabrol, Jean-Luc
Godard, Eric Rohmer, Jean-Daniel Pollet, Jean Rouch et Jean Douchet : Paris vu par… (1965).
Dès Opéra mouffe (1958), Agnès Varda révèle la richesse de son regard sur Paris, ville à laquelle elle offrira quelques chefs-d'œuvre (Cléo de 5 à 7, 1962 ; Daguerréotypes, 1975…) et qui sera encore son "port d'attache" pour Les glaneurs et la glaneuse en 2000.
Les cinéastes de la Nouvelle Vague vont influencer d'une façon ou d'une autre la majeure partie du cinéma français des années
1970 et 1980 : Eric Rohmer et Jacques Rivette continuent de filmer Paris, comme le font Jean Eustache, Claude Sautet, Maurice
Pialat, Philippe Garrel, Bertrand Blier, Jean-Pierre Mocky…
Les cinéastes étrangers vivant à Paris portent sur la capitale un regard plus fantastique encore : la ville de Hugo Santiago
(Les trottoirs de saturne, 1985), d'Otar Iosseliani (Les favoris de la lune, 1984 ; Adieu plancher des vaches, 1999) ou de Raoul Ruiz (L'éveillé du pont de l'Alma, 1985 ; Trois vies et une seule mort, 1995) se charge de mystère, devient le lieu de croisement d'univers parallèles. Hong Sangsoo suit l'errance amoureuse d'un
peintre coréen dans les rues de Paris (Night and day, 2008) ; l'Iranien Asghar Farhadi choisit pour son premier film tourné en France le décor d'un triste pavillon de banlieue
(Le passé, 2013). D'autres réalisateurs révèlent un Paris cosmopolite : Thomas Gilou (Black mic mac, 1986 ; La vérité si je mens, 1997), François Dupeyron (Un cœur qui bat, 1991), Anne Fontaine (Augustin roi du kung-fu, 1999).
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Dès les premières années du cinéma muet se sont forgés les principaux clichés du Paris cinématographique : l'opposition entre
une ville "réelle" et son reflet en studio, le Paris populaire et pittoresque, la ville de la passion, du crime et du milieu, souvent opposée
à la province tranquille et sage, la ville de la révolte et de la Révolution, la ville de la liberté et de la décontraction
- particulièrement sentimentale et sexuelle.
Dans les studios Gaumont et Pathé, au début du XXe siècle, on tourne des "drames sociaux" et souvent moraux qui connaissent une grande vogue : on y rencontre déjà de nombreux "types" parisiens. Parfois, pour les besoins d'une poursuite (autre genre très prisé), l'équipe de prise de vues sort en plein air
et envahit les rues : La course aux potirons (attribuée à Emile Cohl, 1908), Une dame vraiment bien (Romeo Bosetti, 1908) et beaucoup d'autres nous permettent ainsi de découvrir les rues de la ville et leurs habitants. Cette
opposition entre le dedans et le dehors dynamise toute l'histoire d'amour entre Paris et le cinéma.
En décor, ou filmée comme un décor, c'est la ville de René Clair, celle du réalisme poétique de Marcel Carné et Jacques Prévert,
celle du cinéma hollywoodien, mais aussi le Paris du Fabuleux destin d'Amélie Poulain (2000) de Jean-Pierre Jeunet et des Amants du Pont-Neuf (1991) de Leos Carax, le même qui, dans Holy motors (2012) tourne une irréelle séquence de comédie musicale dans le décor désaffecté de la Samaritaine abandonnée. Dans la rue
et la "vraie vie", il s'agit de Michel Simon à la recherche de Dita Parlo dans L'Atalante (1934) de Jean Vigo, et bien sûr du cinéma de la Nouvelle Vague, celui d'Agnès Varda, de Jean-Luc Godard, les premiers Truffaut.
Entre les deux, Jean Renoir brouillant les pistes, passant de la rue à la chambre du crime dans La chienne (1931), filmant Boudu (1932) en plein air, reconstituant une cour du Paris populaire plus vraie que nature (Le crime de Monsieur Lange, 1935) et jouant du stéréotype dans French Cancan (1954).
Le danger gagne la banlieue avec le temps et à mesure qu'apparaissent plus criantes les inégalités sociales. La banlieue pauvre
mais digne, celle de La zone (1928) de Georges Lacombe et d'Aubervilliers (1945) d'Eli Lotar, devient d'abord triste et révoltante pour Maurice Pialat (L'amour existe, 1961), puis révoltée, désespérée, violente (De bruit et de fureur de Jean-Claude Brisseau, 1987 ; La haine de Mathieu Kassovitz, 1995 ; Etat des lieux et Ma 6-T va crack-er de Jean-François Richet, 1994 et 1997). Autres images de la banlieue aujourd'hui, aux antipodes l'une de l'autre : le Montreuil
loufoque et solidaire filmé par Solveig Anspach dans Queen of Montreuil (2013), ou la zone résidentielle, arborée mais étouffante, au sein de laquelle évoulent les personnages de La vie domestique (2013) d'Isabelle Czajka.
Dans les années 1910, en réaction contre ce qui était perçu comme la vulgarité et la facilité du cinéma populaire, était né
un cinéma "d'art", souvent à partir de grandes adaptations littéraires. Victor Hugo est bien entendu l'un des auteurs les plus adaptés. Outre
qu'on ne comptera plus ces adaptations de Notre-Dame-de-Paris et des Misérables, des années 1900 à aujourd'hui, on y verra apparaître une autre vision de Paris : ville d'un peuple libre et révolté, ville
de la Révolution et de la Commune…Ce thème illuminera l'image de Paris dans le cinéma soviétique (La nouvelle Babylone de Kosintsev et Trauberg, 1929) et dans le cinéma américain (Les deux orphelines de David W. Griffith, 1922, film par ailleurs très contre-révolutionnaire…).
Et toutes les femmes sont parisiennes : la jeune provinciale devient A woman of Paris (L'opinion publique, 1923) chez Charlie Chaplin, Ninotchka tombe amoureuse à la tour Eiffel et Greta Garbo rit enfin (Ernst Lubitsch, 1939). Une femme étincelante traverse un restaurant,
sous l'œil admiratif de deux clients. "Pas française, en tout cas", dit l'un. "Non, mais parisienne !" répond Sacha Guitry (Ils étaient neuf célibataires, 1938)
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Au camp de prisonniers de La grande illusion (Jean Renoir, 1937), les soldats français évoquent chacun leur Paris : celui de l'ouvrier (Jean Gabin), du Juif riche (Marcel
Dalio), de l'aristocrate (Pierre Fresnay), qui semble-t-il a même partagé les faveurs d'une jeune femme de chez Maxim's avec
l'officier supérieur allemand (Erich Von Stroheim). Paris multiple, objet d'un désir commun…
C'est sans doute pour cela, pour ce désir qu'elle inspire depuis le monde entier, que Paris est la ville du monde la plus
"citée" au cinéma. Celle dont il suffit de prononcer le nom pour évoquer tout un monde de luxe, de légèreté, de bonheur. Grace Kelly
est si belle pour James Stewart lorsqu'elle porte les dernières créations des couturiers parisiens ! (Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock, 1954). "Partons à Paris, tout de suite, tous les deux" : c'est le refrain des couples du cinéma américain (Autant en emporte le vent de Victor Fleming, 1939 ; La rose pourpre du Caire de Woody Allen, 1985 ; etc.).
"- But what about us ? - We'll always have Paris" : souvenir éternel de l'amour, "as time goes by" (Casablanca de Michael Curtiz, 1942). Car à Paris l'amour nous attend toujours : comme dans Sabrina (Billy Wilder, 1954), le paquebot qui nous emmène vers la capitale s'appelle "Liberté".
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Paris à l'écran, N. T. Binh, Parigramme, 2003
Paris cinéma, Jean Douchet et Gilles Nadeau, Editions du May, 1987
Paris vu par le cinéma, René Jeanne et Charles Ford, Hachette, 1969
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Le Paris de Jacques Becker, par Claude Naumann | |||||||
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Le Paris de René Clair, par Noël Herpe | |||||||
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Le Paris de Jean Eustache, par Alain Bergala | |||||||
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Le Paris de Jean-Luc Godard, par Alain Bergala | |||||||
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Le Paris de Louis Feuillade, par Alain Masson | |||||||
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Le Paris de Jean-Pierre Melville, par Franck Garbarz | |||||||
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Le Paris de Maurice Pialat, par Pascal Mérigeau | |||||||
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Le Paris de Jean Renoir, par Claude Gauteur | |||||||
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Le Paris d'Alain Resnais, par Franck Garbarz | |||||||
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Le Paris d'Eric Rohmer, par Frédéric Bas | |||||||
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Le Paris de Jean Rouch, par Frédéric Sabouraud | |||||||
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Le Paris de François Truffaut, par François Porcile | |||||||
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Le Paris d'Agnès Varda, par Françoise Puaux | |||||||
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Paris vu par les Américains | |||||||
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Le Paris de Charles Chaplin, par Christian Delage | |||||||
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Le Paris d'Ernst Lubitsch, par Bernard Eisenschitz | |||||||
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Le Paris de Raoul Ruiz, par Cyril Béghin | |||||||
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Le Paris d'Arletty, par Denis Demonpion | |||||||
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Le Paris de Jean Gabin, par Claude Gauteur | |||||||
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Le Paris de Jean-Pierre Léaud, par Serge Le Péron | |||||||
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Le Paris de Michel Simon, par Claude Gauteur | |||||||
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Paris vu par le cinéma burlesque | |||||||
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Le Paris de La Nouvelle Vague, par Jean Douchet | |||||||
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Le Paris d'Alexandre Trauner, par Jean-Pierre Berthomé | |||||||
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Paris clin d'oeil : la capitale joue à cache-cache ! | |||||||
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Ce texte a été publié initialement dans la revue Urbanisme (n°328, janvier-février 2003) sous la signature de Jean-Yves de
Lépinay
mise à jour 1er mars 2015
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