Parcours
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par Claude Gauteur
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P142 | |||||
Jean Renoir dans La bête humaine
collection Paris Île-de-France
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Réalisateur d'une œuvre prolifique, Jean Renoir a ressuscité dans la majorité de ses films le Paris de la Révolution, du
Second Empire, de la Belle Epoque, ou encore des années 1930. Un Paris à la fois aristocratique et populaire, très souvent
indissociable de sa banlieue…
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Un temps céramiste, Jean Renoir décide de se lancer dans le cinéma à la fois par admiration pour les maîtres américains du
muet, Charlie Chaplin, David-Wark Griffith et Erich Von Stroheim, et afin de faire de sa femme Catherine Hessling, dernier modèle de son père, une vedette.
Il tourne son premier film, La fille de l'eau, l'été 1924 tout près de sa maison de Marlotte (77), à la lisière de la forêt de Fontainebleau. Très exactement à La Nicotière,
propriété de Paul Cézanne, fils du peintre et de sa femme Renée, et sur la rive du Loing. L'intrigue (une orpheline s'affranchit
de la tutelle d'un oncle malfaisant avec l'aide d'un fils de famille) n'est qu'un prétexte.
Douze ans plus tard, l'été 1936, c'est à la maison forestière de La Gravine, toujours à quelques kilomètres de Marlotte et
sur les rives du Loing, ainsi que sur le pont des Lorques près de la commune de Montigny, qu'il tourne Partie de campagne d'après une nouvelle de Guy de Maupassant : une famille de quincailliers parisiens découvre les beautés de la nature, mais Henriette (Sylvia Bataille) et Henri (Georges
Darnoux) n'oublieront jamais ce dimanche qui les a unis un instant et séparés pour toujours. L'eau, ici encore, est érotique.
Sensualité et panthéisme règnent. Caméra serpentine, mouvements d'appareils aquatiques, la fluidité de l'écriture cinématographique
est au diapason.
Eau toujours, mais cette fois maternante, de Boudu sauvé des eaux (1932). Boudu (Michel Simon) se jette dans la Seine depuis le pont des Arts. C'est au contact de la Marne, près de Chennevières (94), qu'il retrouve,
réenfanté, l'ivresse de la liberté, refusant de se laisser embourgeoiser, même après avoir séduit et l'épouse et la bonne
de son bienfaiteur, Monsieur Lestingeois, libraire épicurien quai Malaquais.
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Variation sur le thème stevensonien du Dr Jekyll et Mr Hyde où Jean-Louis Barrault danse son double rôle, Le testament du docteur Cordelier (1959-1961) cherchera à renouer avec cette veine dans les rues de Marnes-la-Coquette (92) et de Pigalle.
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Rive droite également, part de la gare Saint-Lazare le Paris-Le Havre fatal au pauvre Jacques Lantier (Jean Gabin), qui finit par se suicider en sautant de sa locomotive lancée à pleine vitesse, après avoir poignardé Séverine (Simone Simon),
la femme-chatte du chef de gare Roubaud devenue sa maîtresse (La bête humaine, 1938).
Rive droite toujours, les grands bourgeois de La règle du jeu (1939) se retrouvent dans l'hôtel particulier du marquis Robert de La Chesnaye (Marcel Dalio) dans le quartier de l'Etoile, à quelques minutes de l'appartement de sa maîtresse Geneviève de Maras (Mila Parély), place
du Trocadéro, avec vues sur le palais de Chaillot récemment inauguré et la tour Eiffel, tous deux bâtis aux studios de Joinville.
L'aérodrome du Bourget où atterrit au début du film André Jurieux (Roland Toutain) est en réalité celui de Buc, qui n'existe
plus aujourd'hui.
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Le crime de Monsieur Lange, tourné en octobre et novembre 1935 aux studios de Billancourt, sort le 24 janvier 1936. L'esprit qui l'anime annonce le
Front populaire, qui va remporter les élections législatives et porter en juin Léon Blum à la tête du gouvernement.
Sous le regard ému des blanchisseuses voisines (Sur la cour fut le premier titre du film), des ouvriers du livre fondent une coopérative afin de sauver leur entreprise abandonnée par
leur patron en délicatesse avec ses créanciers. Le lunaire Lange (René Lefèvre) exécute le cynique Batala (Jules Berry), décidé à spolier une nouvelle fois ses employés. Il est "acquitté" par un "tribunal populaire".
Lange suit une prostituée au bois de Boulogne, Batala réapparaît au lac d'Enghien. Maurice Baquet livre Arizona Jim à bicyclette des Champs-Elysées à la Bastille. Florelle chante A la belle étoile de Jacques Prévert et Joseph Kosma :
Boulevard de la Chapelle
Où passe le métro aérien
Y a des filles très belles
Et beaucoup de vauriens
Des clochards à Paris s'endorment sur les bords
Et de vieilles poupées font encore le tapin… En 1961, Jean Renoir se souvient du Crime de Monsieur Lange, conçu à Meudon avec Jean Castanier : "Tous les dimanches, dans les bois de Meudon, les gens sortaient pour oublier leur semaine de travail, les ateliers irrespirables,
l'ennui du travail à la chaîne. A Meudon, sous les bosquets et malgré les papiers gras, ils oubliaient leur fardeaux et devenaient
princesses, rois ou milliardaires." (Le passé vivant, Jean Renoir, Editions de l'étoile/Cahiers du cinéma, 1989). A l'occasion journaliste, Renoir avait dressé un constat réquisitoire
vingt-cinq ans auparavant : "Tout le cadre classique de la banlieue parisienne, autrefois le plus beau paysage du monde, aujourd'hui [1936] saccagé, souillé,
déshonoré par la cupidité et la bêtise des industriels et des propriétaires de terrains." (Ecrits 1926-1971, Jean Renoir, Belfond, 1974)
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14 juillet 1789 - 20 septembre 1792 : La Marseillaise suit une troupe de volontaires marseillais, notamment Ardisson, Arnaud, Bomier, Cuculière, Javel et Moissan, partis des collines
de la Haute-Provence et du port d'Antibes, et montant sur Paris. Ils y découvrent le faubourg Saint-Antoine, la place de la
Bastille, les Champs Elysées où ils se heurtent à des aristocrates, les Tuileries à la prise desquelles ils participent et
où Bomier trouve la mort, avant de se retrouver à Valmy dans l'armée de la République.
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En haut de la rue Saint-Vincent
Un poète et une inconnue
S'aimèrent l'espace d'un instant… Eléna Sorokowska (Ingrid Bergman), princesse polonaise en exil d'Eléna et les hommes (1956) a une passion, celle de se rendre utile, et un talisman, la marguerite. Elle met toutes ses forces au service du général
Rollan (Jean Marais). Mauvais choix, Rollan n'étant pas fait pour l'aventure politique, ce dont va profiter son ami Henri de Chevincourt (Mel
Ferrer). Eléna succombe à son charme tout autant qu'à celui des bals populaires du 14 juillet 1905. Interprète de Joseph Kosma, Leo Marjane lui avait bien prédit :
Méfiez-vous de Paris
De ses rues de son ciel gris
Pour les femmes une caresse
Pour les hommes une maîtresse
Ecrase-moi dans tes bras
Ça fait mal mais j'aime ça
Une étreinte sans promesse
La folle ivresse de la jeunesse
Méfiez-vous de Paris
Mais pour plus s'enlacer
La valse nous entraînait
La valse à petits pas
Paris était une fête
Les jeunes s'embrassaient
Et moi je tournoyais
Heureuse dans tes bras
Heureuse de perdre la tête. |
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Les coulisses du théâtre des Variétés ont été filmées aux studios Grünwald de Berlin. La chambre de Nana a été reconstituée
au studio du Film d'Art à Paris. Le hall et l'escalier de l'hôtel particulier de "l'abjecte et niaise héroïne du chef-d'œuvre d'Emile Zola" (l'expression est de Jean Renoir et de son complice Pierre Lestringuez, adaptateur) l'ont été aux studios Gaumont de Paris,
ainsi que le théâtre des Variétés, le bal Mabille et l'hippodrome de Longchamp !
Véritable matrice de l'œuvre à venir, Nana préfigure tout autant La chienne, La règle du jeu et French Cancan que Le journal d'une femme de chambre, Le carrosse d'or et Eléna et les hommes. Nana (Catherine Hessling) annonce Lulu (Janie Mazère), Christine (Nora Gregor) et Nini (Françoise Arnoul), Célestine (Paulette Goddard), Camilla (Anna Magnani) et Elena (Ingrid Bergman).
Peintre dans la force de l'âge de la société de son temps, Jean Renoir a brossé des scènes de la vie parisienne où s'imposent
et s'opposent clochards, déclassés, ouvriers et employés, petits bourgeois et grands bourgeois : conflits d'intérêts et luttes
des classes manifestes dans le Second Empire de Nana et la Troisième République de La règle du jeu, davantage encore dans La Marseillaise sur fond de Révolution et dans La grande illusion sur celui de Guerre Mondiale. Quinze ans plus tard, l'artiste apaisé et à l'automne de sa vie ressuscite le paradis perdu
de l'enfance à travers un hymne au spectacle, French Cancan, qui complète celui du Carrosse d'or.
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Cette filmographie reprend l'ensemble des films cités dans ce parcours thématique évoquant la capitale, ainsi que d'autres
films complémentaires sur le même sujet.
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de Jean Renoir
avec Ingrid Bergman et Jean Marais
fiction, 1956, couleur, 1h38min
de Jean Renoir
avec Jean-Louis Barrault
fiction, 1960, noir et blanc, 1h32min
Encyclopédie audiovisuelle du cinéma, 14- Les années 20 : Jean Renoir ou l'amour du paradoxe
de Claude-Jean Philippe
documentaire, 1977, noir et blanc, 27min
Encyclopédie audiovisuelle du cinéma, 19- Jean Renoir : les années 30, la tendresse et le déchirement
de Claude-Jean Philippe
documentaire, 1977, noir et blanc, 28min
Encyclopédie audiovisuelle du cinéma, 23- Le réalisme poétique ou l'école française des années 30
de Claude-Jean Philippe
documentaire, 1979, noir et blanc, 24min
Encyclopédie audiovisuelle du cinéma, 40- Jean Renoir : du Carrosse d'or au Petit théâtre
de Claude-Jean Philippe
documentaire, 1978, noir et blanc, 25min
de Alain Fleischer
documentaire, 1994, noir et blanc, 1h26min
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Jean Renoir : petite biographie, par Claude Gauteur | |||||||
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Le Paris de Michel Simon, par Claude Gauteur | |||||||
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Le Paris de Jean Gabin, par Claude Gauteur | |||||||
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Paris à la Belle Epoque, par Noël Herpe | |||||||
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Claude Gauteur
Journaliste puis directeur de collections de livres de cinéma, Claude Gauteur est aussi l'auteur d'ouvrages sur Jean Renoir
et Georges Simenon, Jean Gabin et Michel Simon.
septembre 2003
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