LE PORTAIL DES FILMS
SUR PARIS ET LA REGION ILE-DE-FRANCE

 

Île de France

Mairie de Paris

 

Parcours
Le Paris de François Truffaut
par François Porcile
P149
Baisers volés
collection Paris Île-de-France
Des 400 coups au Dernier métro, l'atmosphère de Paris imprègne la plupart des films de François Truffaut. On y découvre une capitale pleine de vie, celle qu'appréciait tant cet homme de la rive droite.


Fenêtre sur tour Eiffel
Les 400 coups
Le 18 septembre 1945, François Truffaut, treize ans, écrit à son copain Robert Lachenay : "Ah ! mais oui ! la tour Effel (sic) est toujours là". Sa vie durant, Truffaut sera fasciné par ce monument, au point d'en collectionner les répliques. L'une d'entre elles servira même d'arme à Fanny Ardant pour assommer un adversaire dans son dernier film, Vivement dimanche ! Dès son premier long métrage, Les 400 coups, la tour apparaissait, grandeur nature, tout au long du générique de début, comme une présence impressionnante et inatteignable, écho du premier projet de court métrage qu'il avait présenté au producteur Pierre Braunberger : "C'était une idée assez amusante : une fille vient à Paris pour un héritage, et qui veut voir la tour Eiffel. Elle n'a que quelques heures, elle aperçoit de partout la tour Eiffel qui apparaît et disparaît, mais ne sait comment l'atteindre." (Pierre Braunberger, Comment atteindre la tour Eiffel, in Le roman de François Truffaut, numéro spécial des Cahiers du cinéma, décembre 1984).

Le 19 mai 1965, François Truffaut informe son amie Helen Scott de son nouveau domicile : "J'habite depuis 3 jours rue de Passy, un 10e étage avec terrasse sur Paris. C'est fenêtre sur tour Eiffel." Le jeu de mots hitchcockien est révélateur de cette étonnante attirance qui lui fait commencer Baisers volés sur une image de la tour Eiffel, et situer juste en face d'elle, avenue de Camoëns, le lieu de l'arrestation du metteur en scène Jean-Loup Cottins, dans Le dernier métro. Et c'est en hommage à son étrange pouvoir d'aimantation qu'avait été écrite cette scène, coupée au montage, de La peau douce, où Pierre et Nicole, dans une salle de cinéma de l'aéroport d'Orly, assistent à une projection du film de Nicole Védrès Paris 1900, où l'on voit l'homme-oiseau , dans un accoutrement extravagant, se lancer dans le vide, après bien des hésitations, depuis le premier étage de la tour Eiffel, et s'écraser au sol. "La première victime du cinéma, sans doute, commentait Pierre (Jean Desailly), car sans la présence des opérateurs venus filmer l'événement, l'homme aurait certainement renoncé à sauter."


Rive droite
Antoine et Colette
Paradoxalement, cette tour n'appartient pas au véritable Paris de François Truffaut, qui se cantonne à la rive droite de la Seine. Seules quelques nécessités de tournage, décors historiques (le musée Rodin pour Les deux Anglaises et le continent, l'Institut des sourds-muets pour L'enfant sauvage) ou particuliers (la salle de classe des 400 coups tournée à l'Ecole technique de photographie et de cinéma de la rue de Vaugirard ; la cour de l'immeuble du couple Doinel située non loin de là, au métro Sèvres-Babylone, pour les besoins de Domicile conjugal ; ou l'atelier du peintre Fergus dans La mariée était en noir, trouvé rue du Val-de-Grâce) la lui font traverser, parfois à contrecœur : dans Baisers volés, l'image de la tour Eiffel prélude à un long panoramique sur les toits qui va découvrir, en plongée, les barreaux d'une cellule de l'Ecole militaire. Mauvais souvenir pour Truffaut. A une journaliste qui lui demandait s'il fréquentait la brasserie de Montparnasse la Coupole, le cinéaste répondait : "Je mange rarement à la Coupole, étant par mon travail et ma façon de vivre un homme de la rive droite." (lettre du 30 septembre 1982)

La rive droite, pour Truffaut, ce sont évidemment les bureaux de production, les salles de cinéma et de projection des Champs-Elysées et alentour, et bien sûr le siège de la rédaction des Cahiers du cinéma, époque jaune . Mais ce quartier, très allusivement, ne lui servira qu'une seule fois de décor : le restaurant Val d'Isère, rue de Berri - disparu aujourd'hui - théâtre du meurtre final de La peau douce.


La butte Montmartre
Antoine et Colette
Truffaut préfère d'abord filmer le quartier de son enfance, au pied de la butte Montmartre, entre la place Clichy et la place Pigalle. Et ce n'est pas tout à fait un hasard s'il tourne ses premiers mètres de pellicule, le court métrage Une visite, au 41 rue de Douai, dans l'appartement de Jacques Doniol-Valcroze, co-rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, en 1955. Trois ans plus tard, c'est à quelques pâtés de maisons de là, 16 rue Fontaine, chez le journaliste et cinéaste Claude Vermorel, qu'il situe le capharnaüm poétique où habite René, le copain d'Antoine Doinel, dans Les 400 coups. Quant aux séquences chez les Doinel, elles seront filmées sur l'autre versant de la butte Montmartre, dans un minuscule appartement de la rue Marcadet.

Pour les extérieurs, Truffaut reste ancré dans son quartier, qu'il s'agisse de la séquence filmée en plongée de la sortie de gymnastique des écoliers dont les rangs se clairsèment au fur et à mesure (hommage non dissimulé à la promenade de Zéro de conduite de Jean Vigo) ou de la place Clichy : Antoine va au Gaumont-Palace - lieu mythique saccagé par les bétonneurs - voir avec ses parents le film de Jacques Rivette Paris nous appartient (qui sortira seulement deux ans après le tournage des 400 coups...) et, ayant séché la classe, surprend sa mère avec son amant devant la bouche du métro.


Est/Ouest
La peau douce
Antoine Doinel restera fidèle à la place Clichy où il occupe une chambre de bonne, dans Antoine et Colette, avant de se déplacer de quelques immeubles vers l'ouest, pour prendre une chambre d'hôtel rue Lécluse, pour faire face aux fenêtres de Colette, la jeune fille qu'il courtise en vain. Petit débordement dans le 17e arrondissement, où le jeune critique vitrioleur avait rêvé d'une adresse idéale : "François Truffaut, Hôtel Truffaut, rue Truffaut"... une rue proche de la rue Lécluse, justement, entre la rue des Dames et la rue des Moines. Truffaut habitera un temps le 17e, mais rue Saint-Ferdinand, avant de s'installer en 1960 plus à l'ouest encore, à la Muette, dans cet appartement qui servira de décor aux époux Lachenay dans La peau douce.

Dès lors, le Paris privé de François Truffaut demeurera inscrit dans le 16e arrondissement (rue de Passy, avenue Pierre 1er de Serbie), alors que ses films parisiens le ramènent vers l'est, Pigalle et Montmartre. Antoine Doinel est veilleur de nuit dans un hôtel de la butte (Baisers volés), le théâtre Saint-Georges devient le théâtre Montmartre de Marion Steiner dans Le dernier métro. C'est dans un club de Pigalle qu'est tournée la fête de la première de la pièce, à l'issue de laquelle Bernard Granger agresse le critique collabo Daxiat, et c'est dans l'église Notre-Dame-des-Victoires qu'a lieu l'arrestation du jeune résistant.

Après Le dernier métro, Truffaut s'éloigne de Paris pour ses deux derniers films : Grenoble (La femme d'à côté) et la presqu'île de Giens (Vivement dimanche !).


L'atmosphère de Paris
L'amour en fuite
Si douze de ses films se déroulent dans des décors parisiens ou de banlieues limitrophes (pavillons à Pantin dans Baisers volés et Domicile conjugal ; rue de Levallois dans Tirez sur le pianiste ; usine à Clichy dans Le dernier métro), Truffaut n'a jamais le souci descriptif qui caractérise, dès Le signe du lion, le cinéma de son ami Eric Rohmer, dont la précision géographique s'apparente parfois au scrupule topographique. Truffaut a une telle hantise du documentaire qu'il préfère plutôt restituer une atmosphère parisienne que s'attacher à la description de lieux précis. L'escalier qui ouvre La peau douce est à peine identifiable comme étant celui du métro aérien à la station Passy ; de même que dans Les 400 coups, quand Antoine salue d'un "Bonjour madame !" le prêtre en soutane qu'il croise sur les marches d'un parvis d'église, Truffaut ne laisse guère le temps de reconnaître Saint-Vincent-de-Paul.

Furtifs, allusifs, ses extérieurs parisiens - exception faite de la référence à la tour Eiffel - sont comme des notations fragmentaires, rapides, des reflets de la vie. S'il s'attarde sur un lieu, c'est pour une raison précise : ainsi le long zoom avant qui va isoler la grille fermée de la Cinémathèque du Palais de Chaillot, avec la dédicace en surimpression : "à Henri Langlois et à la Cinémathèque Française" au début de Baisers volés. Le tournage du film, en février 1968, coïncidait avec l'éclatement de l'affaire Langlois, provoquée par la tentative des autorités de tutelle d'évincer de son poste de directeur le fondateur de la Cinémathèque française. Autrement, la caméra de François Truffaut glisse sur les décors, n'en retient que des détails. C'est le mouvement de la vie qui compte. Bourgeoises ou populaires, les rues qu'il filme ont un rôle fonctionnel, réservant quelquefois la surprise d'une enseigne signifiante ( "Muette photo" dans La peau douce).

Et pourtant, c'est bien l'atmosphère de Paris qui imprègne ses films, autant que ceux de Jacques Becker qu'il aimait tant. Un Paris commerçant, industrieux, agité, embouteillé. "Car la rue est toujours pleine de lumières et de bruit", chantait Charles Trenet dans Les enfants s'ennuient le dimanche, cette chanson citée dans L'argent de poche. Il y a dans le regard parisien de Truffaut quelque chose qui s'apparente à l'esprit des images que Robert Doisneau passa sa vie à guetter et capter à travers les rues de la capitale. Tendresse et ironie, mélange contradictoire de flânerie et de précipitation, goût immodéré pour le "sirop de rue" dont parlait l'affichiste Savignac.

A quelques mois de sa mort, Truffaut écrivait à Robert Lachenay : "Les seuls souvenirs toujours frais et vivaces qui défileront sans cesse devant nous comme un film monté en boucle , eh bien ce seront ceux qui vont de Barbès à Clichy, des Abbesses à Notre-Dame-de-Lorette, du Ciné-Club Delta au Champollion..."

Selon son désir, ses cendres reposent au cimetière Montmartre, là où il avait tourné la séquence la plus émouvante de L'amour en fuite : l'enterrement de la mère d'Antoine Doinel, suivi de la rencontre entre Antoine et Monsieur Lucien, l'amant entraperçu dans les bras de sa mère, place Clichy, vingt ans auparavant.

Aujourd'hui, il y a deux rues Truffaut dans Paris : celle où il avait jadis souhaité habiter, et la sienne, qui longe le parc de Bercy, perpendiculaire à la Seine. Un quartier qui ne lui était guère familier, mais situé tout de même rive droite !


Filmographie sélective
Réalisations
de François Truffaut
avec Catherine Deneuve
fiction, 1980, couleur, 2h05min
de François Truffaut
fiction, 1978, couleur, 1h31min
de François Truffaut
fiction, 1973, couleur, 1h51min
de François Truffaut
fiction, 1971, couleur, 1h33min
de François Truffaut
avec Jean-Pierre Léaud
fiction, 1971, couleur, 2h04min
de François Truffaut
fiction, 1969, noir et blanc, 1h25min
de François Truffaut
fiction, 1968, couleur, 1h27min
de François Truffaut
avec Jean Desailly
fiction, 1964, noir et blanc, 1h53min
de François Truffaut
fiction, 1962, noir et blanc, 29min
de François Truffaut
fiction, 1962, noir et blanc, 1h42min
de François Truffaut
avec Charles Aznavour
fiction, 1960, noir et blanc, 1h18min
de François Truffaut
fiction, 1959, noir et blanc, 1h35min
de Jean-Luc Godard et François Truffaut
fiction, 1958, noir et blanc, 12min
Scénarios
de Jean-Louis Richard
fiction, 1964, noir et blanc, 1h34min
de Jacques Doniol-Valcroze
avec Jean-Claude Brialy
fiction, 1960, noir et blanc, 20min
Documentaires et actualités
de Laurent Chartin et Thierry Deshayes
documentaire, 1991, couleur, 7min
sélection Forum des images
actualités, 1968, noir et blanc, 11min
Parlez !...On tourne, série 5 Colonnes à la une
de Pierre Desgraupes
documentaire, 1959, noir et blanc, 7min
Hommages
de Antoine Desrosières
1993, 1h22min
de Chantal Akerman
1991, 1h31min
de Yann Dedet
1988, 17min
Bibliographie
François Truffaut, Antoine De Baecque et Serge Toubiana, Gallimard, coll. Folio, 2001
Correspondance, François Truffaut, Hatier/5 Continents, 1988
"Le roman de François Truffaut" , in numéro spécial des Cahiers du cinéma, décembre 1984
Le cinéma de François Truffaut, Jean Collet, Lherminier, coll. Cinéma permanent, 1977
Les aventures d'Antoine Doinel, François Truffaut, Mercure de France, 1970
En écho
Sur le site du Forum des images
Le Paris de Jean-Pierre Léaud, par Serge Le Péron

 

Le Paris de la Nouvelle Vague, par Jean Douchet

 

Le Paris de Jacques Becker, par Claude Naumann

 

Histoires de voisinage

 

Sur internet
Encyclopédie libre Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Doinel
Des informations sur le personnage d'Antoine Doinel. Doinel et Truffaut, Doinel et le personnage de Christine Darbon (Claude Jade), l'influence de Jean Renoir, anecdotes…

Arte : http://www.arte.tv/fr/cinema-fiction/francois-truffaut/638312.html
Un dossier spécial sur François Truffaut.

François Porcile
Réalisateur et conseiller musical de différents cinéastes (dont François Truffaut), François Porcile est également scénariste, écrivain, historien du cinéma et musicologue.
octobre 2004
mise à jour 30 juillet 2008

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