Parcours
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par Claude Gauteur
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P147 | |||||
Panique de Julien Duvivier
collection Paris Île-de-France
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La carrière théâtrale et cinématographique de Michel Simon s'est principalement déroulée à Paris et en France. De Boudu sauvé des eaux à Panique, l'acteur a marqué du sceau de son extravagante personnalité quelques figures typiquement parisiennes, parmi lesquelles d'inoubliables
clochards.
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Jeune mariée, Juliette (Dita Parlo) s'ennuie à bord de Jean Dasté L'Atalante, le long de l'Oise, au désespoir de Jean. "Paris, Paris, ô ville infâme et merveilleuse" beugle le père Jules (Michel Simon), vieux marinier sans pareil. "Chère aux amoureux autant qu'aux bandits / C'est toi la grande ensorceleuse" ajoute la chanson.
Le camelot de la guinguette (Gilles Margaritis) renchérit : C'est moi le cam'lot de Paris
J'vends ma cam'lote sous son ciel gris
Son ciel couleur de tourterelles
Qui fait toutes les femmes belles
Ah ! ces cafés et leurs terrasses
Il y en a tant, et tant, et tant
Que voulez-vous que l'on y fasse ?
C'est là que l'aventure vous attend. Juliette n'y résiste pas, s'enfuit et erre dans la ville lumière, éblouie puis effrayée. Le Père Jules, parti à sa recherche,
la retrouve employée dans un magasin, le Palace Chansons, où elle distribue des jetons pour appareils à sous individuels.
Il la ramène à bord, où la vie reprend.
"Au cours de sa fugue, relève José Baldizzone, Juliette va découvrir - et le spectateur avec elle - des éléments de la réalité
sociale de son temps : départ de nuit des travailleurs dans des tramways inconfortables, individus toujours pressés, banlieues
sans grâce, autant d'éléments courants de l'univers urbain. Plus dramatiques, les files de chômeurs attendant devant les portes
d'usines, les affichettes annonçant "pas d'embauche", la vaine recherche de travail par Juliette, parlant clairement d'un
monde frappé par la crise", dont "la présence obsédante […] impose à Juliette une vision repoussante de la ville et détruit son rêve." (Archives n°90-91, mars 2002, Institut Jean Vigo, Perpignan)
A propos du Père Jules, Michel Simon précisera, qu'à la différence de Boudu, il "n'a rien contre la société ; il l'ignore ! La vomir, c'est quelque chose ; l'ignorer, c'est bien mieux, c'est l'indispensable
condition de la sérénité." (Pour vous, 10 mai 1939)
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D'un côté, le bal musette du Père Tabac et sa clientèle interlope, parmi laquelle cette vieille fripouille de Doizeau (Michel
Simon) : Amants et voleurs (1935) de Raymond Bernard, d'après Le costaud des Epinettes de son père, Tristan. De l'autre, l'immeuble sis rue Léon Deubel près de la porte de Saint-Cloud qu'investit l'inspecteur
Boucheron (Lucien Baroux) dans Derrière la façade (1939) d'Yves Mirande et Georges Lacombe : en dépit des apparences, Picking le lanceur de couteaux (Michel Simon) n'est pas
le pire des locataires qui y habitent.
Minable cabot des imaginaires Folies printanières du Mort en fuite (1936) d'André Berthomieu, sous-régisseur aux Folies-Bergère dans Mirages / Si tu m'aimes (1937) d'Alexandre Ryder, Michel Simon se retrouve ancien boxeur et ancien photographe, désormais soldat du Christ et capitaine
de l'Armée du salut dans Les musiciens du ciel (1939) de Georges Lacombe, où il porte la bonne parole et donne le bon exemple de la zone de Saint-Ouen aux cabarets montmartrois.
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C'est ce garage de Charenton où le baron Bobêche alias Maillot (Michel Simon) organise des escroqueries aux assurances dans
Boulot aviateur (ou Fripons, voleurs et Cie, 1937) de Maurice de Canonge.
Et c'est la forêt où Jo-les-bras-coupés (Michel Simon), "pur sang de La Villette", et Loulou (Arletty), "de Barbès", font prendre l'air à leurs dupes, Marcel (Fernandel) et Renée (Hélène Robert). Toujours dans Fric-Frac (1939) de Maurice Lehmann, du cyclisme derrière moto à Buffalo et une partie de bonneteau à Longchamp après les courses,
où Jo "tond les caves".
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Après deux ans d'exil doré à Rome, Michel Simon fait sa rentrée dans les studios parisiens en 1943 avec deux adaptations
de prestige, reflets du Paris du XIXe siècle.
Honoré de Balzac ensuite, revisité par Pierre Benoit : "Dans le sombre et sublime écheveau de La comédie humaine, nous nous serons employés de notre mieux à choisir les laines destinées à la tapisserie que Gaumont nous a demandé de tisser.
Il ne nous serait jamais, d'ailleurs, venu à l'idée d'entreprendre pareille tâche si nous n'avions pas eu Michel Simon à placer
au centre de cette symphonie, de cette gigantesque mobilisation d'images et de sons." Soit Vautrin, réalisé par Pierre Billon dans des décors de René Renoux.
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Le quartier de Villejuif où se développe ce drame, le café-hôtel Le Petit Caporal, la Pharmacie Moderne, la boucherie Capoulade,
la crèmerie, a été inventé aux studios de la Victorine à Nice par le décorateur Serge Pimenoff, de même que la fête foraine
qui s'y déroule et ses attractions, la cartomancienne et les lutteuses, les manèges et les autos tamponneuses.
"Je n'ai fait aucune concession à l'anecdote, expliquait Michel Simon. J'ai voulu créer un personnage libéré de toute convention.
L'individu qui ne sourit pas, qui ne dit pas bonjour. Il tombe du cinquième étage poursuivi par la haine de son quartier.
Les gens s'éloignent, honteux de leur mauvaise action. Pourquoi l'a-t-on tué ? Parce qu'il ne serrait pas la main. Parce qu'il
ne disait pas : '… Merci, pas mal, et vous ?'" (Michel Simon, Paul Guth, Calmann-Lévy, 1951)
Un certain Monsieur Jo, ensuite, réalisé par René Jolivet en 1957 : gangster repenti en liberté conditionnelle devenu patron d'une auberge dans
l'île d'Amour à Nogent-sur-Marne, Jo Guardini, ex Jo le Corse (Michel Simon), sauve une fillette kidnappée par ses anciens
complices, mais il le paye de sa vie.
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Michel Simon entre dans la peau de Bertal, l'odieux directeur-acteur du théâtre Dancourt (en fait le très réel théâtre de
l'Atelier, place Dancourt), ainsi que dans celle de Macbeth, revisité par Jean Anouilh et André Barsacq dans Le rideau rouge (1952). Et il découvre sur le tard avec l'austère astronome Charles Buisson, de l'observatoire de Paris, la vie des girls
du Ruban bleu, des Femmes de Paris (1953) de Jean Boyer.
Suivent deux films avec Sacha Guitry sous le signe de la gemellité. Dans La vie d'un honnête homme (1952), une veuve (Marguerite Pierry), toute à sa joie de l'être, dévalise les grands magasins pendant que son beau-frère
jumeau de son défunt mari (Michel Simon dans les deux rôles) va au Louvre pour la première fois de sa vie. Dégoûté de tout,
il s'éclipse le long des quais de la Seine.
Mais c'est André Hunebelle qui a fait renouer Michel Simon avec l'argot de Circonstances atténuantes et de Fric-Frac, et jospiner le jars en bon parigot dans un dyptique populiste, Monsieur Taxi (1952) et L'impossible monsieur Pipelet (1955). Ici, Pierre Verger, chauffeur de taxi habitant Belleville mais natif de Montmartre qu'il revoit toujours avec plaisir,
même si la place du Tertre abrite des peintres farfelus (Louis de Funès). Là, Maurice Martin, ancien "mouflet à Mouffetard", présentement facteur rue Caulaincourt, concierge rue Girardon et amateur de boxe au Central.
Relevant que Michel Simon avait cumulé "le génie de l'amateur qu'on recrute dans la rue avec celui de "l'enfant de la balle" né sur des planches", François Truffaut soulignait qu'il avait particulièrement brillé dans de "troublants doubles rôles" : "Boudu est à la fois un clochard et un enfant, le Père Jules de L'Atalante est un marinier fruste en même temps qu'un collectionneur raffiné, le Monsieur Legrand de La chienne, petit caissier médiocre est sans le savoir un grand peintre, […] Vautrin un prêtre-bagnard" (Museum of Modern Art of New York, février 1968).
Genevois adopté par la capitale, Michel Simon a interprété des personnages parisiens, comiques ou tragiques, très différents
les uns des autres, de Fric-Frac à Panique, de La vie d'un honnête homme à L'impossible M. Pipelet, de Circonstances atténuantes à Monsieur Taxi, mais où il incarne, comme le disait encore François Truffaut, "à la fois la vie et le secret de la vie, l'homme que nous paraissons être et celui que nous sommes vraiment".
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Cette filmographie reprend une sélection de films cités dans ce parcours thématique évoquant la capitale, ainsi que d'autres
films complémentaires sur le même sujet
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Michel Simon, série Mémoires d'un objectif
de Yvan Butler
documentaire, 1966-1972, noir et blanc, 53min
de Claude-Jean Philippe
documentaire, 1978, noir et blanc, 27min
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Michel Simon : petite biographie, par Claude Gauteur | |||||||
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Le Paris de Jean Renoir, par Claude Gauteur | |||||||
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Le Paris d'Arletty, par Denis Demonpion | |||||||
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Claude Gauteur
Journaliste puis directeur de collections de livres de cinéma, Claude Gauteur est aussi l'auteur d'ouvrages sur Jean Renoir
et Georges Simenon, Jean Gabin et Michel Simon.
septembre 2003
mise à jour 26 novembre 2008
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