LE PORTAIL DES FILMS
SUR PARIS ET LA REGION ILE-DE-FRANCE

 

Île de France

Mairie de Paris

 

Parcours
Le Paris de Michel Simon
par Claude Gauteur
P147
Panique de Julien Duvivier
collection Paris Île-de-France
La carrière théâtrale et cinématographique de Michel Simon s'est principalement déroulée à Paris et en France. De Boudu sauvé des eaux à Panique, l'acteur a marqué du sceau de son extravagante personnalité quelques figures typiquement parisiennes, parmi lesquelles d'inoubliables clochards.


Clochards
Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir
Employé scrupuleux et époux d'une mégère, Maurice Legrand s'éprend d'une prostituée qui le gruge ; son rêve détruit, il ne lui reste plus qu'à la tuer ; insoupçonné, il finit clochard, libre sinon heureux : La chienne (1931) donne à Jean Renoir l'envie de poursuivre avec Michel Simon une collaboration fructueuse. Ce sera Boudu sauvé des eaux (1932), adapté de la pièce de René Fauchois que Michel Simon avait interprétée en 1925 au théâtre des Mathurins : un jour de cafard, un clochard, Boudu, se jette à l'eau ; n'écoutant que son courage, un libraire le recueille et entend faire de lui un être civilisé, mais Boudu reste inapprivoisable et retourne à son état premier. "C'est un personnage que j'ai beaucoup aimé, affirmait le comédien, parce qu'il avait beaucoup à dire et qu'il l'a dit sans ménagement. […] J'apprends de Boudu qu'une des attitudes à prendre vis à vis de la Société, c'est de la vomir…" (Pour vous, 10 mai 1939)

La chienne de Jean Renoir
Clochard, Michel Simon l'avait été pour la première fois dans Pivoine (1930) d'André Sauvage, inachevé. Il le sera encore dans Jeunes filles de Paris (1936) de Claude Vermorel : Mylord, sosie du baron Achille de Beaupoil. On les suit du jardin des Tuileries à la rue Daunou, du quai de Jemmapes au boulevard Montparnasse. Et une dernière fois dans Belle étoile (1938) de Jacques de Baroncelli, où le joyeux Léon, "sans profession", passe du pont Mirabeau à la rue Lepic, déjeune sur l'herbe aux Buttes Chaumont et vend Paris-Soir dans la rue.


Marinier
Jeune mariée, Juliette (Dita Parlo) s'ennuie à bord de Jean Dasté L'Atalante, le long de l'Oise, au désespoir de Jean. "Paris, Paris, ô ville infâme et merveilleuse" beugle le père Jules (Michel Simon), vieux marinier sans pareil. "Chère aux amoureux autant qu'aux bandits / C'est toi la grande ensorceleuse" ajoute la chanson.

Le camelot de la guinguette (Gilles Margaritis) renchérit :

C'est moi le cam'lot de Paris
J'vends ma cam'lote sous son ciel gris
Son ciel couleur de tourterelles
Qui fait toutes les femmes belles
Ah ! ces cafés et leurs terrasses
Il y en a tant, et tant, et tant
Que voulez-vous que l'on y fasse ?
C'est là que l'aventure vous attend.

Juliette n'y résiste pas, s'enfuit et erre dans la ville lumière, éblouie puis effrayée. Le Père Jules, parti à sa recherche, la retrouve employée dans un magasin, le Palace Chansons, où elle distribue des jetons pour appareils à sous individuels. Il la ramène à bord, où la vie reprend.

"Au cours de sa fugue, relève José Baldizzone, Juliette va découvrir - et le spectateur avec elle - des éléments de la réalité sociale de son temps : départ de nuit des travailleurs dans des tramways inconfortables, individus toujours pressés, banlieues sans grâce, autant d'éléments courants de l'univers urbain. Plus dramatiques, les files de chômeurs attendant devant les portes d'usines, les affichettes annonçant "pas d'embauche", la vaine recherche de travail par Juliette, parlant clairement d'un monde frappé par la crise", dont "la présence obsédante […] impose à Juliette une vision repoussante de la ville et détruit son rêve." (Archives n°90-91, mars 2002, Institut Jean Vigo, Perpignan)

A propos du Père Jules, Michel Simon précisera, qu'à la différence de Boudu, il "n'a rien contre la société ; il l'ignore ! La vomir, c'est quelque chose ; l'ignorer, c'est bien mieux, c'est l'indispensable condition de la sérénité." (Pour vous, 10 mai 1939)


Paris, première
D'un côté, le bal musette du Père Tabac et sa clientèle interlope, parmi laquelle cette vieille fripouille de Doizeau (Michel Simon) : Amants et voleurs (1935) de Raymond Bernard, d'après Le costaud des Epinettes de son père, Tristan. De l'autre, l'immeuble sis rue Léon Deubel près de la porte de Saint-Cloud qu'investit l'inspecteur Boucheron (Lucien Baroux) dans Derrière la façade (1939) d'Yves Mirande et Georges Lacombe : en dépit des apparences, Picking le lanceur de couteaux (Michel Simon) n'est pas le pire des locataires qui y habitent.

Minable cabot des imaginaires Folies printanières du Mort en fuite (1936) d'André Berthomieu, sous-régisseur aux Folies-Bergère dans Mirages / Si tu m'aimes (1937) d'Alexandre Ryder, Michel Simon se retrouve ancien boxeur et ancien photographe, désormais soldat du Christ et capitaine de l'Armée du salut dans Les musiciens du ciel (1939) de Georges Lacombe, où il porte la bonne parole et donne le bon exemple de la zone de Saint-Ouen aux cabarets montmartrois.


Banlieue rose
C'est ce garage de Charenton où le baron Bobêche alias Maillot (Michel Simon) organise des escroqueries aux assurances dans Boulot aviateur (ou Fripons, voleurs et Cie, 1937) de Maurice de Canonge.

Circonstances atténuantes de Jean Boyer
C'est ce café-restaurant de Bagneux, Aux bons vivants, où Gaetan Le Sentencier (Michel Simon), magistrat retraité renommé pour sa sévérité et pris par méprise pour un caïd ( "Monsieur Maximum"), est amené à organiser des vols au bénéfice de ses nouveaux amis, à la tête desquels Marie Qu'a d'ça (Arletty) - "comme de bien entendu !". La musique a été composée par Georges Van Parys et les paroles par Jean Boyer, qui signe également la réalisation de Circonstances atténuantes (1939).

Et c'est la forêt où Jo-les-bras-coupés (Michel Simon), "pur sang de La Villette", et Loulou (Arletty), "de Barbès", font prendre l'air à leurs dupes, Marcel (Fernandel) et Renée (Hélène Robert). Toujours dans Fric-Frac (1939) de Maurice Lehmann, du cyclisme derrière moto à Buffalo et une partie de bonneteau à Longchamp après les courses, où Jo "tond les caves".


De Zola à Balzac
Après deux ans d'exil doré à Rome, Michel Simon fait sa rentrée dans les studios parisiens en 1943 avec deux adaptations de prestige, reflets du Paris du XIXe siècle.

Au bonheur des dames d'André Cayatte
Au bonheur des dames d'après Emile Zola d'abord, réalisé par André Cayatte dans des décors d'André Andrejew : 1865, un grand magasin moderne, dirigé par le dynamique Mouret (Albert Préjean), accélère la ruine du Vieil Elbeuf, boutique jadis prospère tenue par le vieux Baudu (Michel Simon). Place au progrès ! Surtout si le capital s'ouvre au travail, refrain de la "révolution nationale" qu'il ne déplaisait pas d'entonner à la firme productrice du film, la Continental…

Honoré de Balzac ensuite, revisité par Pierre Benoit : "Dans le sombre et sublime écheveau de La comédie humaine, nous nous serons employés de notre mieux à choisir les laines destinées à la tapisserie que Gaumont nous a demandé de tisser. Il ne nous serait jamais, d'ailleurs, venu à l'idée d'entreprendre pareille tâche si nous n'avions pas eu Michel Simon à placer au centre de cette symphonie, de cette gigantesque mobilisation d'images et de sons." Soit Vautrin, réalisé par Pierre Billon dans des décors de René Renoux.


Banlieue noire
Panique de Julien Duvivier
Panique, bien sûr, mis en scène par Julien Duvivier, d'après Les fiançailles de Monsieur Hire de Georges Simenon : avocat reconverti dans l'astrologie, photographe à ses heures, propriétaire à l'Ile-des-Loups, Désiré Hire (Michel Simon) est victime d'une garce (Viviane Romance) ; accusé d'un crime commis par l'amant (Paul Bernard) de celle-ci, il est lynché par une foule surexcitée.

Le quartier de Villejuif où se développe ce drame, le café-hôtel Le Petit Caporal, la Pharmacie Moderne, la boucherie Capoulade, la crèmerie, a été inventé aux studios de la Victorine à Nice par le décorateur Serge Pimenoff, de même que la fête foraine qui s'y déroule et ses attractions, la cartomancienne et les lutteuses, les manèges et les autos tamponneuses.

"Je n'ai fait aucune concession à l'anecdote, expliquait Michel Simon. J'ai voulu créer un personnage libéré de toute convention. L'individu qui ne sourit pas, qui ne dit pas bonjour. Il tombe du cinquième étage poursuivi par la haine de son quartier. Les gens s'éloignent, honteux de leur mauvaise action. Pourquoi l'a-t-on tué ? Parce qu'il ne serrait pas la main. Parce qu'il ne disait pas : '… Merci, pas mal, et vous ?'" (Michel Simon, Paul Guth, Calmann-Lévy, 1951)

Un certain Monsieur Jo, ensuite, réalisé par René Jolivet en 1957 : gangster repenti en liberté conditionnelle devenu patron d'une auberge dans l'île d'Amour à Nogent-sur-Marne, Jo Guardini, ex Jo le Corse (Michel Simon), sauve une fillette kidnappée par ses anciens complices, mais il le paye de sa vie.


Paris, deuxième
Michel Simon entre dans la peau de Bertal, l'odieux directeur-acteur du théâtre Dancourt (en fait le très réel théâtre de l'Atelier, place Dancourt), ainsi que dans celle de Macbeth, revisité par Jean Anouilh et André Barsacq dans Le rideau rouge (1952). Et il découvre sur le tard avec l'austère astronome Charles Buisson, de l'observatoire de Paris, la vie des girls du Ruban bleu, des Femmes de Paris (1953) de Jean Boyer.

Suivent deux films avec Sacha Guitry sous le signe de la gemellité. Dans La vie d'un honnête homme (1952), une veuve (Marguerite Pierry), toute à sa joie de l'être, dévalise les grands magasins pendant que son beau-frère jumeau de son défunt mari (Michel Simon dans les deux rôles) va au Louvre pour la première fois de sa vie. Dégoûté de tout, il s'éclipse le long des quais de la Seine.

Les trois font la paire de Sacha Guitry
Dans Les trois font la paire (1957), le commissaire Bernard (Michel Simon), qu'obsède la réussite du commissaire Maigret, enquête sur un crime commis - et involontairement filmé - à l'intersection des rues Rachilde et Alfred Jarry, qui n'ont existé que dans l'imagination de l'auteur. Détour par le cirque Médrano, qui a existé mais n'existe plus, où se produisent les jumeaux Teddy and Partner (Philippe Nicaud)… Solution grâce à la perspicacité de Titine (Sophie Desmarets), "respectueuse" à Ménilmontant.

Mais c'est André Hunebelle qui a fait renouer Michel Simon avec l'argot de Circonstances atténuantes et de Fric-Frac, et jospiner le jars en bon parigot dans un dyptique populiste, Monsieur Taxi (1952) et L'impossible monsieur Pipelet (1955). Ici, Pierre Verger, chauffeur de taxi habitant Belleville mais natif de Montmartre qu'il revoit toujours avec plaisir, même si la place du Tertre abrite des peintres farfelus (Louis de Funès). Là, Maurice Martin, ancien "mouflet à Mouffetard", présentement facteur rue Caulaincourt, concierge rue Girardon et amateur de boxe au Central.

L'impossible monsieur Pipelet d'André Hunebelle
Les génériques des deux films, destinés aussi au public provincial et au public francophone, défilent sur les images des artères et des monuments les plus célèbres de la capitale.

Relevant que Michel Simon avait cumulé "le génie de l'amateur qu'on recrute dans la rue avec celui de "l'enfant de la balle" né sur des planches", François Truffaut soulignait qu'il avait particulièrement brillé dans de "troublants doubles rôles" : "Boudu est à la fois un clochard et un enfant, le Père Jules de L'Atalante est un marinier fruste en même temps qu'un collectionneur raffiné, le Monsieur Legrand de La chienne, petit caissier médiocre est sans le savoir un grand peintre, […] Vautrin un prêtre-bagnard" (Museum of Modern Art of New York, février 1968).

Genevois adopté par la capitale, Michel Simon a interprété des personnages parisiens, comiques ou tragiques, très différents les uns des autres, de Fric-Frac à Panique, de La vie d'un honnête homme à L'impossible M. Pipelet, de Circonstances atténuantes à Monsieur Taxi, mais où il incarne, comme le disait encore François Truffaut, "à la fois la vie et le secret de la vie, l'homme que nous paraissons être et celui que nous sommes vraiment".


Filmographie sélective
Cette filmographie reprend une sélection de films cités dans ce parcours thématique évoquant la capitale, ainsi que d'autres films complémentaires sur le même sujet


Fictions
de André Cayatte
fiction, 1943, noir et blanc, 1h23min
de Marcel L'Herbier
avec Gaby Morlay
fiction, 1935, noir et blanc, 1h50min
de Jean Renoir
fiction, 1932, noir et blanc, 1h21min
de Jean Renoir
fiction, 1h25min, noir et blanc, 1931
de Jean Boyer
avec Arletty
fiction, 1939, noir et blanc, 1h26min
de Abel Gance
fiction, 1964, couleur, 2h26min
de Jean Boyer
fiction, 1953, noir et blanc, 1h27min
de Maurice Lehmann
avec Arletty
fiction, 1939, noir et blanc, 1h42min
de André Hunebelle
fiction, 1955, noir et blanc, 1h22min
de André Hunebelle
fiction, 1952, noir et blanc, 1h16min
de Julien Duvivier
fiction, 1946, noir et blanc, 1h32min
de Sacha Guitry
fiction, 1957, noir et blanc, 1h22min
Documentaires
Avec la voix de Michel Simon
de Georges Franju
documentaire, 1952, noir et blanc, 22min
Sur Michel Simon
Michel Simon, série Mémoires d'un objectif
de Yvan Butler
documentaire, 1966-1972, noir et blanc, 53min
de Claude-Jean Philippe
documentaire, 1978, noir et blanc, 27min
de Moise Maatouk
documentaire, 1995, noir et blanc, 53min
Bibliographie
Ouvrages généraux
Michel Simon, un sacré monstre, Jacques Lorcey, Séguier, 2003
Michel Simon, Claude Gauteur, Editions du Rocher, 2005
Michel Simon, Freddy Buache, Promoédition, 1992
Paris au cinéma, N.T. Binh et Franck Garbarz, Parigramme, 2003
Scénarios
La chienne, Jean Renoir, L'avant-scène cinéma n°762, octobre 1975
Panique, Julien Duvivier, L'avant-scène cinéma n°390-391, 1er mars 1990
Emission de radio
Michel Simon, une comédie humaine (25 émissions de 20 minutes), André Heinrich et Nicole Vuillaume, France culture, août 1995
En écho
Sur le site du Forum des images
Michel Simon : petite biographie, par Claude Gauteur

 

Le Paris de Jean Renoir, par Claude Gauteur

 

Le Paris d'Arletty, par Denis Demonpion

 

Claude Gauteur
Journaliste puis directeur de collections de livres de cinéma, Claude Gauteur est aussi l'auteur d'ouvrages sur Jean Renoir et Georges Simenon, Jean Gabin et Michel Simon.
septembre 2003
mise à jour 26 novembre 2008

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