LE PORTAIL DES FILMS
SUR PARIS ET LA REGION ILE-DE-FRANCE

 

Île de France

Mairie de Paris

 

Parcours
Le Paris de Georges Simenon
par Noël Simsolo
P146
Michel Simon et Viviane Romance dans Panique
collection Paris Île-de-France
Georges Simenon a situé la majeure partie de son œuvre dans le Paris qu'il a fréquenté, celui de l'entre-deux-guerres. Evitant les clichés et le pittoresque, l'écrivain cherche à révéler la nature humaine à travers les différents quartiers de la capitale où vivent, en osmose avec leur décor quotidien, ses personnages. Ses romans ont inspiré les cinéastes, en particulier Julien Duvivier (Panique) et Pierre Granier-Deferre (Le chat).


Né à Liège (1903), Georges Simenon découvre Paris en décembre 1922. Gare du Nord, il descend du train, trouve un hôtel dans la rue Darcet, mais en déménage un mois plus tard pour aller rue du Faubourg-Saint-Honoré. Quand sa femme le rejoint dans la capitale, il retourne aux Batignolles (rue des Dames), puis va loger place des Vosges. Ce lieu restera son pied-à-terre, bien qu'il ne vive plus à Paris dès 1931. Il habite ensuite la province française, puis les Etats-Unis et la Suisse où il meurt (1989).

Lors de ses années parisiennes, il fréquente Montmartre, Montparnasse et flâne dans toute la capitale. Sa connaissance de la ville irrigue beaucoup de ses oeuvres, qu'elles soient signées d'un pseudonyme ou publiées sous son nom.

Le Paris des romans populaires
Pendant ses années parisiennes (1923-1931), Simenon gagne sa vie en faisant de la littérature "industrielle", écrivant des centaines de contes et de romans sous divers pseudonymes. Ses productions de récits d'aventures prennent rarement Paris comme décor et placent l'action dans des pays lointains où règne l'exotisme, à l'exception de quelques textes : Chair de beauté (1928), signé Georges Sim, Les forçats de Paris (1931), signé Christian Brulls.

En revanche, plusieurs des romans d'amour se déroulent dans la capitale, la désignant comme une cité dangereuse pour les jeunes filles naïves : Le fou d'amour (1928), signé Jean du Perry, Nuit de Paris (1929), signé Georges-Martin Georges, où il met en scène son appartement de la place des Vosges. Mais c'est surtout dans ses écrits érotiques qu'il évoque Paris comme étant la ville de toutes les turpitudes : Le viol aux Quat'z'arts, La noce à Montmartre, Paris leste, L'amour à Montparnasse, etc. Dans ces travaux d'apprentissage, il ne fait preuve d'aucune approche documentaire.


Le Paris de Maigret
Le commissaire Jules Maigret travaille quai des Orfèvres, regarde couler la Seine par la fenêtre de son bureau, déjeune place Dauphine et parcourt la capitale et sa banlieue dans la majorité de ses enquêtes. Ayant débuté comme simple policier à la gare du Nord (lieu qui hante Simenon et qu'il déteste depuis son arrivée à Paris), puis devenu secrétaire au commissariat du quartier Saint-Georges, il a ensuite opéré des filatures dans la ville dont il connaît tous les arrondissements.

Sa femme et lui habitent 132 boulevard Richard-Lenoir, mais Simenon lui donne parfois un autre logement sur la place des Vosges. Leur seul ami, le docteur Pardon, est domicilié du côté du boulevard Voltaire. Quand les Maigret le peuvent, ils vont voir un film sur les grands boulevards. Les troisième et onzième arrondissements, de Nation à Strasbourg-Saint-Denis, sont d'ailleurs les décors de plusieurs romans de la saga du célèbre commissaire : Signé Picpus, Maigret et l'homme du banc, Maigret s'amuse, Les scrupules de Maigret, Cécile est morte, etc.

Le nord de la capitale est aussi très présent dans la série, particulièrement le triangle Barbès-Rochechouart, Montmartre, Batignolles : La première enquête de Maigret, Maigret et le client du samedi, Maigret tend un piège, L'amie de Madame Maigret, Maigret au Picratt's, Maigret et la jeune morte. Les arrondissements proches des Champs-Elysées sont décrits dans La patience de Maigret, Les caves du Majestic et Maigret se défend.

Le commissaire enquête encore sur la rive gauche : Montparnasse (La tête d'un homme), rue Lhomond (Maigret en meublé), rue Mouffetard (Maigret et le voleur paresseux), Saint-Germain-des-Près (Maigret et monsieur Charles).

La banlieue est quelquefois présente : Auteuil (Une confidence de Maigret), Neuilly (Maigret et la grande perche).

Enfin, le commissaire est souvent en bord de seine, quai de la Mégisserie (La folle de Maigret) et des Grands-Augustins (Maigret s'amuse).

Richesse donc du Paris de Maigret où les caractères des protagonistes sont en osmose avec la spécificité de leur quartier, apportant ainsi au lecteur l'aspect documentaire, mais parfois daté dans la production des années cinquante car Simenon vit en Amérique et décrit la ville de mémoire, une mémoire du Paris d'avant la Seconde Guerre mondiale.

Pourtant, l'atmosphère y est vivante. On est emporté par l'évocation des lumières, des odeurs et des mystères de la capitale selon les saisons. Cet amour pour la ville se sent au fil des récits. Difficile toutefois d'y trouver du pittoresque. Simenon tisse une peinture de la capitale où s'enchevêtrent le sordide et le luxe dans une tapisserie dont le motif essentiel est la description très crue de la nature humaine.

Sur les soixante-quinze Maigret parus, soixante-trois se passent entièrement (ou partiellement) à Paris. Sur les vingt-huit nouvelles avec le commissaire, dix-huit répondent à ce même critère.


Le Paris des romans durs
En alternance avec les Maigret, Simenon a écrit cent dix-sept romans durs. Quelques-uns se déroulent totalement ou en partie dans la capitale ou sa banlieue. Pendant les années trente (les romans chez Gallimard), Paris est peu présent dans sa production. La ville sera mieux représentée après la Seconde Guerre mondiale (les années Presses de la cité) et plus fréquente encore avec son installation en Suisse.

Une majorité de ces romans évoquent les quartiers où l'écrivain vécut sa jeunesse à Paris et portent même des traces autobiographiques (Les suicidés, L'âne rouge, Le testament Donnadieu). Si souvent Paris n'est là que comme un écho récurrent au destin des protagonistes (Malempin, L'aîné des Ferchaux, Les volets verts, La fuite de Monsieur Monde, Les témoins, Le Président, Betty, Le train de Venise, Les innocents), d'autre fois, c'est toute la ville qui envahit le récit (L'enterrement de Monsieur Bouvet, Une vie comme neuve, En cas de malheur, La prison), se trouve évoquée à partir d'une chambre d'hôpital (Les anneaux de Bicêtre) ou part d'un point précis de son espace pour irradier les autres arrondissements : quartier de l'opéra (Monsieur la Souris), place de la Bastille (L'outlaw), Montparnasse (Les quatre jours du pauvre homme).

Il lui arrive encore de limiter l'essentiel du roman à un secteur bien limité : grands boulevards et faubourg Saint-Martin (Antoine et Julie), Strasbourg-Saint-Denis (Le veuf), le square d'Anvers (L'escalier de fer), le troisième arrondissement (La porte, L'homme au petit chien), les Champs-Elysées (Le passage de la ligne), le quartier Saint-Jacques (Le chat, La cage de verre), la place Vendôme (Il y a encore des noisetiers), le faubourg Saint-Honoré (La fenêtre des Rouet).

Simenon ne néglige pas d'utiliser aussi la proche banlieue : Villejuif (Les fiançailles de Monsieur Hire), Neuilly (L'ours en peluche), Orly (Le déménagement), mais il évite la description des monuments connus et s'attache plutôt à l'évocation des rues populaires (marchés, fêtes foraines, bars, etc).

Parfois, il joue admirablement sur la différence entre deux lieux : quartier Saint-Paul en réfection et immeubles cossus dans l'île Saint-Louis (La vieille). Simenon accentue cette opposition en jouant sur des époques différentes dans Marie qui louche en séparant le roman en deux parties et lieux : années trente dans le troisième arrondissement et années cinquante dans les beaux quartiers.

Il a signé le plus beau livre sur les Halles de Paris : Le petit Saint.

Enfin, il évoque Paris de façon attachante dans ses Mémoires intimes et ses Dictées.


Le Paris dans les films d'après Simenon
Les cinéastes ont trahi Simenon, transposant Maigret tend un piège de Montmartre au troisième arrondissement et La tête d'un homme de Montparnasse à la tour Eiffel (L'homme de la tour Eiffel). Mais des réalisateurs ont su cerner son atmosphère : Pierre Granier-Deferre dans Le chat ou Julien Duvivier dans Panique, d'après Les fiançailles de Monsieur Hire.

Les romans non parisiens du romancier ont subi un meilleur sort grâce à Claude Chabrol, Jean Renoir, Jean-Pierre Melville ou Bertrand Tavernier. La même remarque vaut pour la masse impressionnante des adaptations télévisées.

La raison de cet échec à rendre le Paris du romancier est qu'il n'a jamais voulu jouer du pittoresque quand la ville servait de décor à ses récits. Elle était là pour son intériorité. Pas pour sa mythologie.


Filmographie sélective
Cette filmographie reprend l'ensemble des films cités dans ce parcours thématique évoquant la capitale, ainsi que d'autres films complémentaires sur le même sujet, dont certains sont disponibles au Forum des images.


Fictions
de Julien Duvivier
1932, 1h32min
de Georges Lacombe
1942, 1h35min
de Richard Pottier
1942, 1h30min
de Maurice Tourneur
1943, 1h30min
Les caves du Majestic
de Richard Pottier
1945, 1h40min
de Julien Duvivier
1946, 1h32min
de Burgess Meredith (d'après "La tête d'un homme")
1948, 1h22min
Midnight épisode
de Gordon Parry (d'après "Monsieur la Souris")
1950, 1h18min
Maigret dirige l'enquête
de Stany Cordier
1954, 1h35min
de Jean Delannoy
1958, 1h55min
de Claude Autant-Lara
1957, 2h02min
de Henri Verneuil
1960, 1h43min
de Gilles Grangier
1963, 1h27min
Maigret fait mouche
de Alfred Weidenmann
1966, 1h35min
de Mario Landi
1966, 1h40min
de Pierre Granier-Deferre
1970, 1h27min
de Patrice Leconte
1989, 1h20min
L'ours en peluche
de Jacques Deray
1993, 1h45min
de Pierre Jolivet (d'après "En cas de malheur")
1998, 1h41min
Documentaires
de Jean-Marie Coldefy
1958, 51min
de Henri Champetier et Léonce Peillard
1960, 20min
Georges Simenon 1903-1989, série Un siècle d'écrivains
de Pierre Desfons
1997, 50min
Bibliographie
Le cas Simenon, Thomas Narcejac, Presses de la cité, 1950
Les années parisiennes, Jean-Christophe Camus, Didier-Hatier, 1990
Conversations avec Simenon, Francis Lacassin, La Sirène, 1990
Simenon au cinéma, édition établie par Claude Gauteur, Didier-Hatier, 1991
Tout Simenon : œuvre complète, Georges Simenon, Presses de la cité, Omnibus, 1991
Simenon : biographie, Pierre Assouline, Julliard, 1992
Les lieux de l'écrit : actes du 4e colloque international (Liège, octobre 1994), revue Traces n°7, Centre d'études Georges Simenon, 1995
Romans, Georges Simenon, Gallimard, 2003, coll. Pleiade
En écho
Sur le site du Forum des images
Paris est un roman

 

La Belgique à Paris

 

Jean Richard

 

Sur Internet
Tout Simenon : http://www.toutsimenon.com
Un site de référence sur l'œuvre et la vie de Georges Simenon.

Noël Simsolo
Noël Simsolo est écrivain et cinéaste.
février 2004

Partenaires