Parcours
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par Roger-Henri Guerrand
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P94 | |||||||
Métropolitain, un siècle de métro parisien de Jacques Tréfouel
collection Paris Île-de-France
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Le rôle du métro dans l'imaginaire des Parisiens est exceptionnel. Dès les années 1885, quinze ans avant l'ouverture de la
première ligne, des "métro-jouets" sont proposés dans les catalogues d'étrennes : on les retrouvera sous diverses formes jusqu'à la fin du XXe siècle. Le cinéma
va s'emparer à son tour de cet attrait pour le métro et, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les souterrains de
la capitale vont devenir un des décors de prédilection des réalisateurs tournant dans Paris.
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Depuis, de Barres de Luc Moullet (1983) à Foutaises de Jean-Pierre Jeunet (1989), le métro est régulièrement l'objet de films humoristiques.
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Dans le droit fil du roman-feuilleton si prisé à partir de la fin du XIXe siècle, le cinéma reprend la tradition qui a longtemps
consacré Paris comme la "cité de la peur", celle où pouvaient se commettre les crimes les plus effrayants. Le premier réalisateur à conférer au métro les dimensions
d'un décor dramatique est Louis Feuillade dans Juve contre Fantômas (1913). Par l'architecture d'abord, puisque la rencontre de Joséphine, une "pierreuse" de Montmartre (18e), et de Loupart-Fantômas a lieu sous le tablier du métro aérien, entre Allemagne (devenue Jaurès après
la guerre, 19e) et La Chapelle (18e). L'intérieur d'une voiture circulant sur le viaduc est également mis en scène par Feuillade
: debout, le détective Fandor semble contempler le paysage qui défile. En réalité, il observe Joséphine, assise de face, les
bras croisés…
Feuillade ne sera pas imité de sitôt. En 1938 seulement, pour son premier film, Maurice Cam tourne Métropolitain avec comme principaux acteurs Albert Préjean, Ginette Leclerc (révélation de l'année précédente) et André Brûlé. Maurice
Cam y raconte l'histoire d'un ouvrier parisien qui, en se rendant à son travail par le métro, croit voir soudain par une fenêtre
ouverte un homme poignarder une femme. Descendu au premier arrêt, il alerte la police. En réalité, le prétendu meurtrier n'est
qu'un illusionniste répétant un numéro avec sa partenaire. Un drame se nouera cependant. Maurice Cam, anticipant sur les méthodes
du néo-réalisme italien, a embauché quelques employés de la Compagnie parisienne du métropolitain (C.M.P.) auxquels se sont
mêlés des figurants tenant les rôles de voyageurs. Une voiture spéciale est accrochée à une rame régulière et les usagers
ne s'aperçoivent pas du tournage. Salué par la presse, Métropolitain connaît un grand succès qu'interrompt la guerre : il n'a plus jamais été projeté en salle publique.
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Ce nouvel aspect policier aurait dû séduire le grand public. Or celui-ci s'est montré réticent quand un metteur en scène,
pourtant déjà célèbre, s'est lancé dans un thème à la fois tragique et poétique : en 1946, Les portes de la nuit de Marcel Carné a rencontré l'incompréhension, tant des critiques que de la majorité des spectateurs. La station Barbès-Rochechouart
(18e), point central de l'action, a été entièrement recréée en plein air par Alexandre Trauner, décorateur habituel de Carné.
Les accès du boulevard de la Chapelle ont été exactement reproduits, sauf les colonnes de fonte, pour faciliter les évolutions
de 600 figurants.
Georges Franju a également mis en scène un métro qui se révèle poétique dans La première nuit (1957) : un petit fugueur pénètre dans le métro et s'endort dans une station dont le décor nourrit ses rêves…
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Une institution comme le métro, qui a accompagné et reflété tout au long du XXe siècle les mutations extraordinaires d'une
capitale, méritait le statut d' "objet historique". Si la R.A.T.P. a beaucoup tardé à se doter d'un indispensable service d'archives, c'est maintenant chose faite : en ce qui
concerne l'iconographie métropolitaine, une masse considérable de documents a pu commencer à être classée et utilisée par
les spécialistes de la vie quotidienne à Paris, en particulier pour réaliser des films qui reviennent sur l'histoire du métro,
comme Le père métro Fulgence Bienvenue de P.A. Picton ou Métropolitain de Jacques Tréfouel.
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Dotés de cet esprit documentaire, plusieurs films rendent également compte des essais de la R.A.T.P. visant à introduire une
vision esthétique dans un univers purement fonctionnel. Le premier de cette série, Gardien de musée au métro Louvre, tourné en 1969 pour la série Dim, Dam, Dom, inaugure une nouvelle ère dans la perception d'un métro "différent".
Le souci de provoquer des émotions artistiques dans un lieu longtemps soumis à la froideur de la céramique blanche, malgré
l'importance prise par l'affichage publicitaire, représente un progrès de confort social. Depuis déjà un quart de siècle,
la R.A.T.P. s'est risquée plus loin par la mise en œuvre d'un concept d'animation qui permet à des musiciens, des chanteurs,
des montreurs de marionnettes de s'exhiber sous ses voûtes. Plusieurs films ont rendu compte de cette démarche sans précédent
: Michel Honorin l'illustra dès 1978 par Vive le cirque.
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Importante figure de la capitale, le métro s'est révélé plus qu'un moyen de transport. De nombreux réalisateurs l'ont en permanence
attesté. Tour à tour présent dans des films policiers, humoristiques, poétiques, ainsi que dans de nombreux documentaires,
le métro est devenu une figure cinématographique emblématique de Paris : c'est aujourd'hui une sorte de machinerie sentimentale
faisant corps avec la ville.
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Boireau mange de l'ail
de Georges Monca
1910, ?min
Pépé le moko
de Julien Duvivier
avec J. Gabin
1936, 1h40min
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Zazie dans le métro, par Hervé Le Tellier | |||||||
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Le Paris d'Alexandre Trauner, par Jean-Pierre Berthomé | |||||||
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Paris souterrain | |||||||
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Le tramway | |||||||
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Roger-Henri Guerrand
Historien de la vie quotidienne en milieu urbain, Roger-Henri Guerrand (1923 - 2006) a été l'un des premiers à s'intéresser
au métro parisien sur lequel, dès 1960, il a publié plusieurs essais.
février 2003
mise à jour 27 novembre 2008
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