La Marseillaise
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Rares sont ceux qui connaissent l’histoire du quartier de la Bastille avant la prise de la prison du même nom le 14 juillet
1789. Peu de films, d’ailleurs, évoquent le quartier avant 1789. Marquis (1989) de Henri Xhonneux propose pourtant une singulière reconstitution de la prison de la Bastille (réalisée en mixant les
prises réelles à des scènes tournées en animation, sous la direction artistique de Roland Topor), où le marquis de Sade fut
fait prisonnier plus de cinq ans, jusqu’en 1789, dix jours avant la prise de la Bastille. Il faut bien admettre que la Révolution
française s’inscrit comme événement fondateur qui ouvre une nouvelle ère politique. En réaction contre l’arbitraire royal,
une foule d’émeutiers révolutionnaires se rend à la Bastille pour y récupérer de la poudre et des balles afin d’utiliser les
armes dont ils s’étaient emparés le matin même aux Invalides. Les émeutiers envahissent la forteresse et libèrent par la même
occasion les sept prisonniers qui y demeuraient encore. Le 16 juillet, la démolition de la Bastille est ordonnée. La Marseillaise (1937) de Jean Renoir, qui s’ouvre le 14 juillet 1789 lorsque Louis XVI apprend le soulèvement des Parisiens et s’achève
trois ans plus tard par la marche d’un bataillon de fédérés marseillais vers les Tuileries, met notamment en scène les décombres
de l’ancienne prison, sur lesquels on chante et on danse, dans le cadre d’une fiction historique produite en partie grâce
à une souscription de la CGT pour célébrer les idéaux du Front Populaire. Le film prend délibérément le parti de présenter
les mois qui suivent la Révolution sous un jour idyllique et de magnifier l’action collective de petites gens ordinaires.
Le Génie de la Bastille
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En 1792, l’assemblée législative annonce la construction d’une colonne sur cette place qui s’appellera désormais la "place de la liberté". Elle ne verra jamais le jour : il faudra attendre 1833 pour qu’un nouveau projet de colonne commémorative, la "colonne de Juillet", voie le jour, à l’initiative de Louis-Philippe, en l’honneur des révolutionnaires de 1830. Celle-ci est inaugurée en juillet
1840, dix ans après les Trois Glorieuses. On comprend donc aisément pourquoi la place de la Bastille devint le symbole de
la liberté du peuple : le génie qui s’élance vers le ciel au sommet de la colonne, une étoile sur le front, brise ses fers
et sème la lumière à l’aide du flambeau de la civilisation qu’il porte dans la main droite. Il est amusant de noter que presque
tous les films en lien avec la Bastille, qu’il s’agisse de fictions ou documentaires, lui rendent un hommage plus ou moins
appuyé. Jusqu’à en faire parfois une sorte de "cliché" du quartier. Ce n’est pas le cas du Génie de la Bastille (1994), film d’animation de Guillaume Casset, entièrement dédié à la figure du génie, lequel s’amuse à défier un policier,
représentant de l’ordre établi, dans une ode libertaire non dénuée d’humour.
Les actualités françaises 1945, 3-Mai
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Depuis les événements révolutionnaires, chaque mouvement populaire fait pèlerinage à la Bastille : on vient y faire la fête,
danser sur l’emplacement de l’ancienne prison. De très nombreuses manifestations s’inscrivent dans cet héritage révolutionnaire
lorsqu’elles empruntent le chemin qui les mène de la place de la Bastille à celle de la Nation. Il n’y a qu’à jeter un œil
aux actualités filmées pour prendre la mesure du nombre de manifestants qui ont foulé les pavés du quartier, comme ce fut
le cas le 1er mai 1945, l’occasion de célébrer la défaite des Allemands et de délier la fête des travailleurs du régime pétainiste
(Les actualités françaises 1945, 3-Mai). Il existe aussi de très nombreuses bandes d’actualités et amateurs, qu’elles soient françaises ou étrangères, montrant des
manifestations, grèves, défilés officiels ayant Bastille en toile de fond, des années 1930 jusqu’à une époque plus récente.
Ce n’est pas un hasard, bien sûr, si la première élection de François Mitterrand a été célébrée à la Bastille : les actualités
télévisées d’Antenne 2 diffusées en direct le 10 mai 1981 nous replongent dans cette ambiance survoltée. "Ici à la Bastille, quelque chose de nouveau a commencé", déclare le commentateur, avant que Michel Rocard et Lionel Jospin, entre autres, ne s’adressent à la foule en liesse.
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