Parcours
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par Sylvie Dallet
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P107 | |||||
La Marseillaise de Jean Renoir
collection Paris Île-de-France
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De la patriotique Marseillaise de Jean Renoir à l'aristocratique L'Anglaise et le duc d'Eric Rohmer, les dix années de la Révolution française ont régulièrement été portées à l'écran. Sylvie Dallet, spécialiste
du film historique révolutionnaire, analyse l'imaginaire de la capitale à travers ces films.
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"Révolutionnaires", "réactionnaires", "libéraux", ces mots, popularisés grâce à la Révolution française, ont suivi, depuis lors, le chemin florissant que les penseurs et
les peuples leur ont tracé. "Droits de l'homme", "Bastille", "Terreur", "sans-culottes" font également partie d'un vocabulaire universel, directement lié aux événements de 1789 et 1793, les dates fortes de la
période révolutionnaire. Après le bouche à oreille et la mémoire littéraire, le cinéma, puis la télévision, ont participé
de l'Histoire fondatrice. Dès 1897, le cinéma s'empare en noir et blanc de ces mots transcrits en images, animant les idées-force
de la légende dans les récits entrecroisés du passé.
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En 1937, Renoir renonçait à camper un "magnifique menuisier du faubourg Saint-Antoine", sous les traits de Jean Gabin, pour suivre l'odyssée des volontaires montés de Marseille, Bomier le maçon et Arnaud le commis
aux douanes. Par contre, les cinéastes anglo-britanniques n'hésitaient pas à immortaliser la fiction de Dickens, Le conte des deux villes, au travers des figures des tricoteuses et des "Jacques", ces descendants typés des jacqueries du Moyen Age. Entre la petite ouvrière guillotinée par hasard durant la Terreur et
l'enfant Bara, héros de la République, les images s'entrechoquent pour traduire des interprétations conflictuelles, vivaces
depuis plus de deux cent ans.
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Le succès du film d'Eric Rohmer L'Anglaise et le duc (2001) a donné doublement à réfléchir, par son habileté réelle et, d'une certaine façon, son honnêteté intellectuelle. Le
décor transformable, "à la manière de", y est valorisé sur les vestiges monumentaux. Cet aller retour entre les images de synthèses du futur et les toiles peintes
du passé a été accompagné d'interviews remarquables et d'un film documentaire qui en explique les techniques sinon les enjeux
(A propos du film d'Eric Rohmer, Françoise Echegaray, 2000). Par ailleurs, Rohmer suit très explicitement le canevas d'un journal intime, introduisant, de
fait, la partialité de la perception comme un des éléments du témoignage historique. Les panoramas de lieux apparaissent alors
comme autant de flash-backs où l'intimité du quotidien filtre et fait le tri des événements extérieurs.
Quand on observe les parcours révolutionnaires sur la capitale, parcours de conviction, de fuite ou d'accident, on est frappé
par l'omniprésence de la rue et des prisons sur les lieux d'expression publique, maisons, clubs et Assemblée nationale. Seuls
Gance et Renoir, avant la Seconde Guerre mondiale, restent attentifs aux lieux de discours qui réunissent des groupes de parole
au contraire des habituelles scènes de rue hirsutes (ou décapitantes) tournées par les cinéastes hostiles à la Révolution.
Le panorama des lieux offre alors un saisissant contraste entre la paix des prisons (sic) et le vacarme de la rue. Dans ce
tumulte, une halte satisfait les Anglo-américains : la prise de la Bastille, symbole inquiétant d'un despotisme français,
archaïque et constant depuis le Moyen Age. Là encore, la télévision française des années 1950 introduira des lieux nouveaux
pour une compréhension qui se rapproche de l'enseignement dispensé dans les écoles de la République.
Dans le monde, une quinzaine de fictions cinématographiques sur trois cents œuvres met en scène la prise de la Bastille contre
quelque vingt-cinq prises des Tuileries. Ces fictions, principalement conçues au début du siècle, se raréfient pour céder
la place, à partir des années 1930, aux scènes d'emprisonnement du Temple ou des divers lieux d'attente avant la guillotine.
Le film de la Révolution resserre son cadre sur l'intimité des familles chuchotantes devant la brutalité silencieuse ou aboyée
des représentants de la Convention… La caméra tourne alors autour des personnages du drame (Marie-Antoinette et ses enfants
par exemple), sollicitant l'apitoiement du spectateur.
A l'inverse, des réalisateurs-historiens, tel Jean Vidal, ont choisi, grâce encore à la télévision, de lier un bout à bout
d'images d'archives à travers une voix off qui fait la synthèse des principaux événements d'époque. Le parti pris est ici
lié à l'histoire événementielle, politique et parisienne, au déroulé sobre des gravures de la Révolution ou de l'Ancien Régime.
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Pourtant, malgré les efforts des historiens du bicentenaire, penser la Révolution reste une gageure au cinéma : le récit ne
se bâtit pas seulement de mots mais de lumières, d'angles de prises de vues, de séquences tronquées, de plans comme guillotinés
à l'avance. Comment évaluer, dans la démonstration du Danton (1982) de Wajda, le poids de la tonalité générale bleu-vert, obscurcie et sale dans les moments les plus durs ? Comment ne
pas ressentir les couleurs dorées et chaudes choisies par Ariane Mnouchkine pour les deux films qu'elle consacre aux avancées
révolutionnaires ? Comment porter à l'écran la densité événementielle de dix années de flux contradictoires et présenter en
même temps les éléments fondateurs du mythe national ? La Révolution française offre un chatoiement d'images contradictoires,
fortes et sensibles : les souvenirs tournoyants des peintres et des romanciers du XIXe siècle, cadrés par des cinéastes du
XXe.
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Cette filmographie reprend l'ensemble des films cités dans ce parcours thématique évoquant la capitale, ainsi que d'autres
films complémentaires sur le même sujet.
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La Terreur et la vertu, série La Caméra explore le temps
de Stellio Lorenzi
avec Jean Negroni
fiction, 1965, noir et blanc, 3h43min
La citoyenne Villirouet, série La caméra explore le temps
de Guy Lessertisseur
documentaire, 1959, noir et blanc, 1h10min
Valmy, série Présence du passé
de Jean Chérasse et Abel Gance
documentaire, 1967, noir et blanc, 2h29min
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Paris au coeur de l'histoire | |||||||
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Sylvie Dallet
Historienne de la culture et des idées (Institut Charles Cros), Sylvie Dallet a publié plusieurs livres spécialisés, dont
La Révolution française à travers le cinéma (de Lumière à télévision) et Filmographie mondiale de la Révolution française primés par le Comité du bicentenaire.
janvier 2005
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