Parcours
Les films de Léos Carax se comptent sur les doigts d’une main. Cinq longs métrages, tournés entre 1984 et 2012, avec au milieu
un fameux naufrage, suivi d’une longue absence. A l’heure de la sortie de Holy Motors , remarqué lors du festival de Cannes, retour sur une œuvre singulière et sa géographie parisienne.
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- Tu n'es pas de Paris, tu es d'où ?
- Blois, dans le Loir et Cher. Je suis venue à Paris il y a un an pour vivre avec mon ami, un Parisien. Je pensais faire des
photos pour la publicité mais ça n'a pas marché (...)
- Moi je suis cinéaste.
- Dans le cinéma ou la vidéo ?
- Pour l'instant, j'invente les titres des films que je vais faire. C'est avec Boy Meets Girl que Léos Carax est apparu dans le paysage du cinéma français des années 80 : un premier film en noir et blanc, tissé de références
à l’enfance du cinéma – au temps où il était muet –, à celle du cinéaste – de Nounours à la télévision aux premiers pas sur
la lune –, et à la Nouvelle Vague. Autour de l’histoire éternelle de la rencontre d’une fille et d’un garçon, on découvrait
les visages, et les corps agiles, de jeunes acteurs alors inconnus : Mireille Perrier, petite sœur de Lillian Gish et d’Anna
Karina, qui y fait des claquettes dans un ciel étoilé, et, dans le rôle d’Alex (véritable prénom du cinéaste, Léos Carax étant
l’anagramme d’Alex et Oscar), Denis Lavant.
Dans ce premier film, Alex dit qu’il n’y a que les premières fois qui l’intéressent. Chez lui, sont soigneusement consignés,
sur une carte de Paris dessinée au mur, les dates et les lieux précis de ses expériences fondatrices. On peut lire, comme
dans un jeu de l’oie mystérieux, "Cochin 1960 Naissance", "Luxembourg 79-81 Lectures", "Lycée J.C. 70-76", qui pourraient coïncider avec la biographie de Carax, né en 1960. On parcourt aussi la carte du tendre des amours d’Alex
avec F., depuis "Rencontre", "1er baiser", "1ère nuit", "1er mensonge", "Trahison", jusqu’à cet ultime "Port du Gros-Caillou : 1ère tentative de meurtre", sur laquelle s’ouvre le film.
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Bords de Seine, rues, appartement, café… Les lieux de tournage, en extérieur nuit ou en décor, ne sont pas précisément identifiables
à l’image, à l’exception du Pont-Neuf, sur lequel se déroule une des scènes du film : Alex, casque sur les oreilles, s’y arrête
longuement pour regarder un couple enlacé, figé dans une étreinte immobile, tandis que la voix de David Bowie chante When I live my dreams , l’amour qui dans les rêves est toujours vainqueur.
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Entrepris deux ans plus tard, Les amants du Pont-Neuf réunit les mêmes acteurs, Juliette Binoche et Denis Lavant, dans une histoire d’amour fou entre un cracheur de feu et une
jeune clocharde, échoués sur le plus vieux pont de Paris. L’affaire prend un tour tragique quand un accident contraint l’équipe
à différer les dates de tournage autorisées sur les lieux par la Mairie de Paris. La suite est connue, avec la décision de
poursuivre le tournage sur un Pont-Neuf reconstitué, hors de Paris.
Initialement prévu pour 1989, année du bicentenaire de la Révolution Française, le film, qui s’achève en apothéose avec les
feux d’artifices des célébrations, sort finalement sur les écrans en 1991, et rencontre un accueil mitigé. Le considérable
investissement, humain et financier, de cette aventure au long cours, soldée par un semi-échec à la sortie du film, marque
alors pour Carax le début d’une longue période de repli sur soi et d’exil du cinéma.
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Sous un titre codé reprenant les premières lettres du roman d’Herman Melville dont il est adapté ( Pierre ou les ambiguïtés ), agrémenté d’un x (comme Carax ?), POLA X sort sur les écrans en 1999. Sans Denis Lavant ni Juliette Binoche, mais avec Catherine Deneuve et Guillaume Depardieu, mère
et fils menant une vie luxueuse dans un château de Normandie, jusqu’à l’apparition soudaine d’Isabelle. Katerina Golubeva,
découverte dans les films du lituanien Sharunas Bartas, et dans J’ai pas sommeil de Claire Denis, incarne cette sœur inconnue, étrange étrangère à l’accent slave, qui surgit dans la vie de Pierre. Ensemble,
ils partent pour Paris et trouvent refuge dans un bâtiment industriel abandonné, peuplé de marginaux, aux confins de la ville.
Avec ses personnages en rupture et en quête d’eux-mêmes dans un paysage urbain hostile, synonyme d’errance, d’exclusion, d’inconfort,
cet opus au romanesque exacerbé pour les uns, exaspérant pour les autres, ne signe pas le grand retour attendu de Léos Carax,
qui disparaît à nouveau. Il sort du silence en 2008 avec une contribution grinçante au film collectif Tokyo !, entre les courts métrages de Michel Gondry et Bong Joon-ho. Merde, c’est son titre, met en scène Denis Lavant en vagabond hirsute et borgne qui vit dans les égouts de la capitale japonaise
et sème la panique à chacune de ses sorties. Arrêté pour ses méfaits, il est traduit en justice. Paris apparaît une minute
à cette occasion, avec un plan d’ensemble (accompagné de la Marseillaise), une vue de la tour Eiffel, puis d’une salle de
tribunal où l’on découvre l’avocat français chargé du procès…
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Le Paris des années 80, par Michel Cadé | |||||||
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Casting de Denis Lavant pour "Boy Meets Girl" : http://www.dailymotion.com/video/x4uesr_casting-de-denis-lavant-pour-boy-me_shortfilms | |||||||
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19 juin 2012
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