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SUR PARIS ET LA REGION ILE-DE-FRANCE

 

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Parcours
L'animation parisienne
P218
La vieille dame et les pigeons
collection Paris Île-de-France
A travers une sélection de films d'animation pour la plupart rares et méconnus, découvrez la capitale sous un jour insolite.



Quelques animateurs
D'Emile Cohl à Garri Bardine, de grands animateurs ont exploré Paris et ses alentours. A travers eux se dessinent quelques jalons de l'histoire du cinéma d'animation.




Emile Reynaud : un pionnier
Emile Reynaud, 1844-1918
Tenter de fixer un instant, un mouvement, de représenter un animal en train de déguerpir : ce désir de simuler la vie préoccupe l'homme depuis des temps immémoriaux. Les XVIIe et XVIIIe siècles marquent une étape importante dans le cheminement de cette quête, avec le perfectionnement des lanternes magiques, capables désormais de donner l'illusion du mouvement des personnages peints sur des plaques de verre. Les spectacles de lanternes magiques deviennent vite à la mode dans le Tout-Paris. Voltaire, qui fait partie des adeptes, organise même des soirées spéciales dans son hôtel particulier ! Les ombres chinoises, puis les jouets optiques, rencontreront par la suite, chacun à leur tour, un grand succès.

Le 28 octobre 1892, Emile Reynaud (1844-1918) présente au musée Grévin son "théâtre optique", version perfectionnée du praxinoscope qu'il a mis au point en 1876. En se fondant sur le principe de la persistance rétinienne, son appareil permet de projeter des images qui, grâce à des petits miroirs disposés en prisme, donnent l'impression qu'elles s'animent. De nouveau, le Tout-Paris est en ébullition et se presse, entre 1892 et 1900, à son spectacle de pantomines lumineuses, qui dure pourtant à peine quelques minutes ! Mais le jeu en vaut la chandelle, car Reynaud est un orfèvre en la matière. Malheureusement, son invention sera bientôt éclipsée par le cinématographe. De désespoir, Reynaud jettera de nombreuses bandes dans la Seine.

Deux de ses pantomines, dont Autour d'une cabine, rarissime, sont présentées dans le portrait que Joël Farges lui consacre : Emile Reynaud, 1844-1918 (1980). La salle du musée Grévin, 10 boulevard Montmartre, où Reynaud donnait ses séances de théâtre optique est également visible dans Naissance du cinéma (1948), un documentaire de Roger Leenhardt présentant les progrès techniques des appareils qui, avant les débuts du cinéma, produisaient des images animées. Le principe de la lanterne magique y est notamment évoqué.


Emile Cohl : le père du dessin animé
Le songe d'un garçon de café
D'une dizaine d'années plus jeune que Reynaud, "Emile Cohl est à l'image de la Belle Epoque : un miroir fidèle de ses engouements et de ses curiosités. L'enthousiame et l'emportement qui ont inauguré notre siècle s'y lisent. De Paris où il est né (au 20 de la rue Cadet), il a sa subtile causticité et son esprit frondeur." C'est ainsi que Pascal Vimenet décrit ce personnage essentiel de l'histoire du cinéma d'animation, que l'on a coutume de surnommer le "père" du dessin animé.

Emile Cohl (1857-1936) débute en tant qu'illustrateur et caricaturiste, auprès d'une centaine de journaux. En 1907, découvrant que Gaumont a plagié une de ses affiches, il se plaint auprès de Louis Feuillade, alors à la tête de la jeune société. On connaît la suite : Louis Feuillade, pour calmer ses ardeurs, lui propose d'écrire des scénarios pour Gaumont. Cette même année, Emile Cohl assiste à Paris à la première de L'hôtel hanté, réalisé par l'Américain James Stuart Blackton. Fasciné par les trucages de ce film d'objets animés, il se lance à son tour dans la réalisation de films d'animation. Cohl expérimente alors différentes techniques, du dessin animé à l'animation de marionnettes, mêlant notamment avec talent et humour l'animation à la prise de vue réelle (Le songe d'un garçon de café, 1910). Le cinéma d'animation, dans toute sa diversité, est né.

Jusqu'en 1923, Cohl tourne à un rythme effréné : en l'espace de quinze ans, il livre trois cents bandes pour Gaumont, Pathé et Eclair. Les lunettes féériques et Le peintre néo-impressionniste, tournés tous les deux en 1910, évoquent le Paris insouciant des premières années du XXe siècle. Comme beaucoup de précurseurs, Cohl mourra dans l'indifférence et la misère. Un documentaire tourné en 1990 lui rend justice : le passionnant Hommage à Emile Cohl de Fabien Ruiz, essentiellement composé d'interviews de personnalités du cinéma, dont Paul Grimault, et de proches de Cohl.


Lortac : une figure de l'entre-deux guerres
Actualités Gaumont 1920
De son vrai nom Robert Collard, Lortac (1884-1973) est aussi une figure importante du cinéma d'animation en France. Comme Cohl, il commence sa carrière, avant la Première Guerre, en tant que caricaturiste. Après un bref passage aux Etats-Unis, où il découvre les films de Winsor McCay, il fonde dans les années vingt un studio d'animation qui attire des dessinateurs variés, comme Francisque Poulbot ou Raymond Savignac. Son atelier se spécialisera dans la réalisation de petites bandes publicitaires. Emile Cohl a d'ailleurs réalisé quelques films publicitaires pour lui, à la fin de sa carrière.

Lortac a également réalisé des films, souvent pleins d'humour. Trois d'entre eux, produits pour les actualités Gaumont, se déroulent à Paris (Actualités Gaumont octobre 1920, Actualités Gaumont janvier et février 1921).


Alexandre Alexeieff : l'inventeur de l'écran d'épingles
Publicités animées par Alexeieff
"Je peux affirmer que l'animation enseigne une meilleure connaissance de la façon dont l'homme voit et pense. Elle m'a permis d'entrer dans la vraie quatrième dimension, m'ouvrant un univers inconnu dont je me suis servi pour réaliser des effets nouveaux. De même que la peinture développe la conscience des couleurs, des valeurs et des formes, l'animation développe la conscience des mouvements et des durées." (1973)

Alexandre Alexeieff (1901-1982), originaire de Kazan, la capitale des Tatars, débarque à Paris dans les années vingt. Il fait partie de cette génération d'émigrés qui ont quitté leur pays après la prise du pouvoir par les Bolcheviks. A Paris, il rencontre l'équipe des Ballets russes, ainsi que de grands noms du théâtre, tels Louis Jouvet et Gaston Baty, avec qui il travaille comme décorateur et costumier. Il illustre également de nombreux livres de Giraudoux, Gogol ou Baudelaire. Au début des années trente, il met au point avec son épouse Claire Parker sa technique de "l'écran d'épingles", qui lui permet de jouer sur les ombres et la lumière. Il réalise ainsi son premier film, Une nuit sur le mont chauve (1933), d'après un thème de Moussorgski. Ce film sera présenté pendant quelques semaines à Paris.

"J'ai appris à chanter l'essence, le café, les matelas et l'huile d'arachide en me disant qu'en d'autres temps j'aurais sans doute chanté la Vierge, les saints ou quelque notable. Ces limites-là sont bonnes." C'est ainsi qu'Alexeieff évoque l'autre pan de sa production : ses nombreux films publicitaires en volume animé (Publicités animées par Alexeieff, 1952-1964). Très consciencieux, il consacre six mois à Pure beauté, un film d'à peine une minute réalisé pour Monsavon ! Alexeieff est aussi l'auteur de l'étonnant prologue du Procès (1962) d'Orson Welles.



Paul Grimault et Les Gémeaux
Egalement incontournable, Paul Grimault (1905-1994) est ce "poète aquarelliste" de Saint-Germain-des-Près qui a dessiné et dirigé un magnifique chef-d'oeuvre : Le roi et l'oiseau (1980), qui est en fait une nouvelle version de La bergère et le ramoneur, sorti en 1953, mais désavoué par son auteur. La carrière de Grimault commence dans les années trente, époque à laquelle il fait une rencontre décisive, celle de Jacques Prévert. Il participe alors au groupe Octobre, qui réunit des Colporteurs du Front populaire, et joue des petits rôles dans L'Atalante (1934) et Le crime de Monsieur Lange (1935). Il tourne aussi avec Jean Aurenche son premier film, La table tournante (1932). Cette bande publicitaire deviendra le titre de son dernier film, qui revient sur son parcours d'animateur. En 1936, il fonde avec André Sarrut la première société française de dessin animé, Les Gémeaux, qui marque une étape importante dans l'histoire du cinéma d'animation. Il y réalise notamment le gracieux Voleur de paratonnerres (1945). Grand prix international du dessin animé au Festival de Venise en 1946, ce court métrage raconte les mésaventures de deux policiers pourchassant sur les toits de Paris... un voleur de paratonnerres !

En 1951, en délicatesse avec la production, Grimault quitte finalement Les Gémeaux et crée son propre studio, rue Bobillot, dans un quartier qu'il connaît bien : le 13e arrondissement. Malgré la situation fragile de sa nouvelle structure, Grimault permettra à de jeunes cinéastes, comme Jacques Colombat ou Jean-François Laguionie, de tourner leur premier film. Jean-Manuel Costa fait aussi partie des assidus de la rue Bobillot. Encouragé par Grimault, il entreprend en 1980 La tendresse du maudit, un magnifique film où coexistent le cauchemar et la poésie, dans un Paris dévasté.


Jean Image : les premières séries télévisées
Bonjour Paris
Emeric Hadju (1911-1989), devenu célèbre sous le nom de Jean Image, est originaire de Hongrie. Après des cours à l'école des Arts Décoratifs à Budapest puis à Berlin, il arrive à Paris en 1932, où il commence sa carrière dans le milieu publicitaire, d'abord en tant que dessinateur, puis en tant que réalisateur. Alors que le dessin animé français connaît une période féconde, il se lance à son tour dans la réalisation de films pour enfants, avec un style classique rappellant le graphisme de Walt Disney. En 1949, il termine Jeannot l'Intrépide, qui est considéré comme le premier long métrage d'animation français. Jean Image crée aussi sa propre société à cette époque : Les Films Jean Image. Cette société produit notamment son futur film, Bonjour Paris (1952), qui conte le ballet nuptial de deux pigeons. Sur fond de comédie musicale, ce dessin animé féérique rend un vibrant hommage à la tour Eiffel, symbole de la ville Lumière.

A partir des années soixante, Jean Image se tourne vers la télévision. Il réalise alors plusieurs séries pour enfants, comme Picolo le petit peintre (1963-64), qui lui permettent de retrouver sa notoriété. La musique de Picolo a été réalisée par Henri Gruel, un animateur plus connu pour les films qu'il a réalisés à partir de dessins d'enfants, avec la technique du papier découpé (Le voyage de Badabou, 1955, prix Emile Cohl). Gruel est aussi le compositeur de Fantorro le dernier justicier (1971) de Jan Lenica.


Jan Lenica : un brillant affichiste et réalisateur polonais
Fantorro, le dernier justicier
Né à Poznan en 1928, Jan Lenica est le fils d'un peintre polonais assez célèbre. Après des études de musique et d'architecture, il se fait peu à peu connaître dans le milieu artistique polonais par la qualité des affiches qu'il conçoit pour le cinéma, l'opéra et le théâtre (il se passionne entre autres pour le personnage d'Ubu). En 1957 et 1958, il tourne ses deux premiers films avec Walerian Borowczyk, avant d'effectuer en 1959 un séjour à Paris où il réalise, avec un commentaire d'Eugène Ionesco, Monsieur Tête, qui remporte le prix Emile Cohl. Quatre ans plus tard, Lenica s'installe définitivement à Paris.

Au cours de sa filmographie, Lenica expérimentera de nombreuses techniques, du papier découpé à la prise de vues réelles. Comme un hommage à sa terre d'accueil, il situe l'action de l'un de ses films, Fantorro le dernier justicier (1971), dans un Paris transfiguré. Ce très beau film en forme de pochade associe avec élégance les références du feuilleton populaire à celles de la science-fiction et de la bande dessinée.

Un autre animateur d'origine polonaise, grand admirateur de Reynaud dont il a rénové les bandes pour le centenaire du cinéma, s'est inspiré de cette ville : Julien Pappé. Son Oiseau en papier journal (1961) est typique de la technique du papier découpé.


Garri Bardine : un cinéaste russe plein d'humour
Le méchant loup et le petit chaperon rouge
Cinéaste débordant d'humour, aussi à l'aise dans l'animation de pâte à modeler, de fils de fer, d'allumettes que de poupées, Garri Bardine est un grand admirateur d'Alexeieff, de Ptusko, de Chaplin et de Fellini. Comédien de formation, déçu par le théâtre soviétique, le jeune Bardine décroche d'abord un travail dans le plus grand théâtre de marionnettes de Moscou, puis à la télévision, où il collabore à des programmes jeunesse. En 1975, alors âgé de trente-quatre ans, il réussit à intégrer le prestigieux Soyouz Mult Film, situé à Moscou. Avant que cette grosse société de production ne commence à s'essouffler, il y réalisera pendant quinze ans des scénarios, puis ses propres films, jusqu'au Méchant loup et le petit chaperon rouge, en 1990. L'année suivante, Bardine crée dans la banlieue de Moscou sa propre société, sous la forme d'une "coopérative" : le studio Stayer.

Le méchant loup et le petit chaperon rouge marque une étape charnière : c'est le dernier film que Bardine tourne avec le Soyouz Mult Film. C'est également le film qui lui permet de se faire connaître auprès d'un plus large public, en particulier grâce au Grand Prix qu'il remporte au Festival d'Annecy. Enfin, par son contenu "politique", ce film n'aurait pu voir le jour avant la pérestroïka.

"Traité sous forme de comédie musicale, le film file la métaphore d'un terme, cher alors à Gorbatchev, de la "Maison européenne" : sur le chemin qui mène ce chaperon rouge et ce loup gris new look à Paris sont "convoqués" tous les vieux démons du dessin animé, note Pascal Vimenet dans le Cahier de notes sur... Garri Bardine. Des trois petits cochons aux sept nains, en passant par quelques figures archétypales du cinéma d'animation soviétique (Tchebourachka, le crocodile Guenna...), les ombres de l'URSS totalitaire et de l'impérialisme américain se glissent subrepticement dans les replis d'un décor, kitsch à souhait. Et, pendant que la grand-mère chante de façon inénarrable La vie en rose, on s'interroge sur les symboles qui émaillent cette succulente interprétation : quelle est cette "galette" qui circule dans la nouvelle Europe, qui est ce vieux loup gris famélique qui finit emprisonné, alors que les personnages réunis du cartoon américain et soviétique s'unissent pour chanter des lendemains libres ?" Filant ainsi la métaphore, Garri Bardine parvient à faire de son truculent Méchant loup et le petit chaperon rouge un film qui sait enchanter petits et grands spectateurs !


Folimage, La Fabrique et Les Armateurs
La vieille dame et les pigeons
Giannalberto Bendazzi termine la préface du numéro de CinémAction consacré au cinéma d'animation en citant des propos d'Alexandre Alexeieff : "La jeunesse ne se contente plus de voir des films d'animation : elle veut en faire. Combien elle a raison ! Puisse la nouvelle génération réformer l'économie de la société future de manière à mettre à l'honneur 'l'ouvrage bien faite', comme disait la maman de Péguy. Tel est le challenge." Ce challenge n'a jamais été autant d'actualité, notamment grâce à la perspicacité et la vitalité de trois studios, fondés depuis la fin des années soixante-dix : Folimage, créé à Valence par Jacques-Rémy Girerd ; La Fabrique, créé dans les Cévennes par Jean-François Laguionie ; Les Armateurs, créé par Didier Brunner et aujourd'hui installé à Angoulème. Ces studios vont d'abord se lancer dans la réalisation de courts métrages ou de séries télévisées, avant de faire peu à peu sortir de l'ombre, depuis les années quatre-vingt-dix, des réalisateurs passés au long métrage. Michel Ocelot, avec Kirikou et la sorcière (1998), est le premier à se distinguer. Suivront Sylvain Chomet et Jacques-Rémy Girerd, qui remporteront le succès à quelques mois d'intervalle avec Les triplettes de Belleville (2003) et La prophétie des grenouilles (2003). Quelques années plus tôt, ils ont chacun fait de Paris la toile de fond d'un de leurs courts métrages : Le petit cirque de toutes les couleurs (1986) et La vieille dame et les pigeons (1996).

Aujourd'hui, la télévision constitue toujours une source de financement et de diffusion, surtout pour les films jeune public. Verte (2002) de Serge Elissalde s'inscrit dans cette tendance. Adapté du roman éponyme de Marie Desplechin, ce film d'animation haut en couleur explore avec malice les questions de l'héritage et de la filiation dans des décors parisiens ensorcelés. Verte a également été récompensé au Festival d'Annecy.


Christian Volckman : le Paris du futur
Renaissance
Sorti en 2006, Renaissance est un film d'animation pour adultes. Sept ans de travail, et jusqu'à 500 collaborateurs, ont été nécessaires à Christian Volckman pour réaliser ce thriller d'anticipation tourné dans un noir et blanc magnifique, mêlant la 2D à la 3D. L'action se déroule à Paris, en 2054, dans une ville dominée par une multinationale : Avalon. Christian Volckman a métamorphosé la ville en y juxtaposant des bâtiments haussmaniens, des structures métalliques dignes d'Eiffel, au Paris d'aujourd'hui et aux fantasmes de demain, comme cette immense dalle en verre située sous la parvis de Notre-Dame et abritant un centre commercial. Le Paris de Renaissance n'évolue pas en hauteur : c'est une métropole qui se creuse, comme se creuse Paris depuis un siècle. Le résultat de ce va-et-vient entre le passé et le futur est fascinant.


Et aussi...
Biotope
Les écoles enseignant les techniques du cinéma d'animation constituent aujourd'hui une pépinière de talents. Les courts métrages réalisés par les étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD) sont ainsi souvent d'une grande qualité. Biotope (2001) de Merwan Chabane et Géraldine (2000) d'Arthur de Pins en témoignent.

Enfin, ajoutons à ce bref panorama des entreprises singulières, comme Le grand faucheux (1996) d'Eric Vanz de Godoy, une splendide métaphore de la création du monde, et Tous les i de Paris s'illuminent (1999) de Guillaume Casset, une étonnante comédie musicale réunissant les voix de Rachel Des Bois, M et Arthur H. Ou encore Le tueur de Montmartre (2007), un moyen métrage d'animation, porté par un humour basé sur l'absurde et un style graphique très fort, qui a été réalisé et fabriqué quasiment entièrement par un seul homme, Borislav Sajtinac, né dans l’ex-Yougoslavie. Tous ces films très différents font encore de Paris un décor insolite sans cesse renouvelé.


Quelques techniques
Dès le début du XXe siècle, Emile Cohl multiplie les expérimentations, du dessin animé à l'animation de marionnettes ou de papiers découpés. Après lui, de nombreuses techniques seront perfectionnées pour "croquer" les mille facettes de Paris.




Le dessin animé
Des milliers d'images
Les différentes techniques du cinéma d'animation reprennent le principe de la persistance rétinienne : le défilement de vingt-quatre images par seconde donne l'illusion de ne voir qu'une seule image en mouvement. Ce standard de vingt-quatre ou vingt-cinq images par seconde n'est toutefois pas une norme absolue. En effet, à l'époque du muet, on dessinait plus souvent seize images par seconde, tandis qu'aujourd'hui il peut arriver que défilent jusqu'à soixante images !

L'une des techniques d'animation les plus célèbres est celle du dessin animé, dont l'expression qualifie souvent à tort un film d'animation destiné à des enfants, quelque soit la technique utilisée. En réalité, un dessin animé désigne un "film réalisé en partant d'une suite de dessins représentant les phases successives du mouvement d'un corps". Il peut donc s'agir aussi bien d'un film pour enfants que pour adultes. Un documentaire réalisé par Emilio Pacull, Des milliers d'images (1989), présente l'évolution du dessin animé, depuis sa naissance jusqu'aux techniques actuelles de réalisation en trois dimensions.

Le premier film d'Emile Cohl, Fantasmagorie, est considéré comme le premier dessin animé de l'histoire du cinéma. Cohl en réalisera ensuite de nombreux autres, quelquefois agrémentés de prises de vues réelles, comme ces Lunettes féeriques qui ont le pouvoir de révéler les pensées et les caractères, dévoilant ainsi la cupidité de tel vieillard, ou les goûts artistiques de tel jeune homme parisien....

L'invention du celluloïd en 1915 aux Etats-Unis marque une nouvelle étape clé de l'histoire du cinéma d'animation : le dessin animé va devenir une industrie. Cette technique permettant de superposer plusieurs dessins évite notamment de redessiner un décor à chaque fois qu'un personnage bouge. Ce type d'animation est maintenant généralement assisté par un ordinateur, qui permet entre autres de coloriser les images. C'est ce procédé, avec ses différentes évolutions, qui a été utilisé pour de nombreux films d'animation, comme Le voleur de paratonnerres (1945) de Paul Grimault ou Chat c'est Paris (1962) d'Abe Levitow, une comédie musicale coécrite par Chuck Jones.

Dans les années soixante, le dessin animé gagne aussi les faveurs de la télévision, avec un réalisateur comme Jean Image (Picolo le petit peintre). Aujourd'hui, il est encore à l'honneur, avec des films aussi divers que La vieille dame et les pigeons (1996) de Sylvain Chomet, une merveille du cinéma d'animation traditionnel, ou Raoul et Jocelyne (2000) de Serge Elissalde, un court film d'une étonnante invention visuelle. Pour finir, signalons une petite curiosité : La vilaine Lulu, un dessin animé réalisé à partir d'un scénario d'Yves Saint-Laurent, qui rythme l'émission Dim Dam Dom du 25 février 1967.


L'animation en volume
Paris cinéma
L'animation en volume est plus proche que le dessin animé du cinéma en prises de vues réelles : elle utilise généralement un décor, des "acteurs" et des effets de cinéma classiques (plongée, zoom, etc.). Sa spécificité est ailleurs : l'animation en volume permet de donner l'illusion de faire vivre des créatures inanimées, rêve de nombreux animateurs.

Figure incontournable de l'animation dite de "marionnettes", le Polonais Ladislas Staréwitch recherche lui aussi à faire revivre, le temps d'un film, des insectes morts ou des "poupées" conçues spécifiquement pour ses films, dans son studio de Moscou puis de Fontenay-sous-Bois. En 1929 et 1930, il tourne le premier long métrage d'animation français de marionnettes, Le roman de Renard. Une séquence particulièrement émouvante de Paris cinéma (1929) de Pierre Chenal le montre en plein travail.

Plus généralement, les pays de l'Est deviennent une référence en matière d'animation de marionnettes. Produit à Riga, en Lettonie, d'après un épisode des Misérables, Cosette (1977) d'Arnold Burovs s'inscrit dans cette tendance. Bien des années plus tard, en France, Jean-Manuel Costa sortira de sa léthargie une gargouille de la cathédrale Notre-Dame dans La tendresse du maudit (1980).

De son côté, Garri Bardine anime avec brio des petits personnages en pâte à modeler, en utilisant de la plastiline, une pâte à modeler qui ne fond pas sous la chaleur des projecteurs. De Moscou à Paris, son Méchant loup et le petit chaperon rouge (1990) le consacre comme un maître du genre. C'est aussi la pâte à modeler que Jacques-Rémi Girerd, désormais célèbre depuis La prophétie des grenouilles, a choisi pour Le petit cirque de toutes les couleurs. César du meilleur film d'animation en 1988, ce court métrage offre une promenade originale et pleine de charme dans les sous-sols de la capitale qui, comme Le Méchant Loup et le petit chaperon rouge, s'adresse à tous les publics.

Point d'orgue de cette petite sélection, les Publicités animées par Alexandre Alexeieff, célèbre inventeur de "l'écran d'épingles", sont des modèles d'humour et d'imagination, où même les biscuits prennent vie !


La 3D
Renaissance
Renaissance (2006) marque une étape importante dans la représentation de Paris par le cinéma d'animation. Ce film graphiquement très novateur conjugue la 2D à la technique de capture de mouvement des comédiens en 3D (la célèbre motion capture utilisée dans Avatar), en effaçant toutes les nuances de dégradé pour obtenir uniquement des aplats de noir et de blanc. A l'occasion d'un cours de cinéma ("Renaissance" de Christian Volckman, 2007), Christian Volckman et Gilles Ciment ont évoqué la genèse de ce film révolutionnaire. On y apprend les influences du jeune réalisateur, dont l'univers graphique rappelle autant la bande-dessinée américaine des années 1930, les albums d'Hugo Pratt, les films expressionnnistes allemands et les films noirs américains, toujours des années 1930. L'avenir de Paris prendra forme dans son passé. Christian Volckman l'a bien compris : c'est cela qui rend son Paris de 2054 tout à la fois crédible, familier et passionnant.


Et aussi...
Conte de quartier
De nombreuses autres techniques ont été développées en un siècle de cinéma. Parmi elles, le déplacement de papiers découpés, technique avec laquelle se sont notamment distingués Henri Gruel (Le voyage de Badabou, 1955), Julien Pappé (Un oiseau en papier journal, 1961) et Jan Lenica (Fantorro le dernier justicier). Cette technique est toujours au goût du jour, comme en témoigne Petite jeune fille dans Paris (1993) de Lys Flowerday, un court métrage d'animation cruel et poétique, adapté d'un conte fantastique de Marcel Béalu.

Le mélange de prises de vues réelles et d'images animées permet aussi de montrer Paris sous un jour insolite. Emile Cohl l'a compris très tôt : ses films mêlent souvent ces deux techniques. Près d'un siècle plus tard, Space on earth (2001) de Patrick Volve, une parodie de science-fiction totalement loufoque, mêle aussi avec humour figurines en pâte à modeler et prises de vue en décors naturels.

Clin d'oeil au célèbre Ballon rouge d'Albert Lamorisse, Le portrait de Josette au béret (1994) de Lorraine Groleau raconte de son côté les mésaventures d'une petite fille suivie par son béret rouge, impertinent et farceur, qui se dandine sur des rythmes de cha-chacha...

Plus récemment, Florence Miailhe s'est distinguée avec Conte de quartier (2006), un conte urbain porté par la splendeur de la peinture et du sable animés directement sous la caméra. La réalisatrice a su imposer un style singulier et personnel, sensuel et coloré, teinté d’érotisme. Ses "films peints" se situent entre le reportage dessiné et la promenade onirique.


En écho
Sur le site du forum des images
Une sélection de films d'animation

 

Le voleur de paratonnerres, par Jean-Pierre Pagliano

 

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26 novembre 2010

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