Parcours
A travers une sélection de films d'animation pour la plupart rares et méconnus, découvrez la capitale sous un jour insolite. |
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Le 28 octobre 1892, Emile Reynaud (1844-1918) présente au musée Grévin son "théâtre optique", version perfectionnée du praxinoscope qu'il a mis au point en 1876. En se fondant sur le principe de la persistance rétinienne,
son appareil permet de projeter des images qui, grâce à des petits miroirs disposés en prisme, donnent l'impression qu'elles
s'animent. De nouveau, le Tout-Paris est en ébullition et se presse, entre 1892 et 1900, à son spectacle de pantomines lumineuses,
qui dure pourtant à peine quelques minutes ! Mais le jeu en vaut la chandelle, car Reynaud est un orfèvre en la matière. Malheureusement,
son invention sera bientôt éclipsée par le cinématographe. De désespoir, Reynaud jettera de nombreuses bandes dans la Seine.
Deux de ses pantomines, dont Autour d'une cabine, rarissime, sont présentées dans le portrait que Joël Farges lui consacre : Emile Reynaud, 1844-1918 (1980). La salle du musée Grévin, 10 boulevard Montmartre, où Reynaud donnait ses séances de théâtre optique est également
visible dans Naissance du cinéma (1948), un documentaire de Roger Leenhardt présentant les progrès techniques des appareils qui, avant les débuts du cinéma,
produisaient des images animées. Le principe de la lanterne magique y est notamment évoqué.
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Emile Cohl (1857-1936) débute en tant qu'illustrateur et caricaturiste, auprès d'une centaine de journaux. En 1907, découvrant
que Gaumont a plagié une de ses affiches, il se plaint auprès de Louis Feuillade, alors à la tête de la jeune société. On
connaît la suite : Louis Feuillade, pour calmer ses ardeurs, lui propose d'écrire des scénarios pour Gaumont. Cette même année,
Emile Cohl assiste à Paris à la première de L'hôtel hanté, réalisé par l'Américain James Stuart Blackton. Fasciné par les trucages de ce film d'objets animés, il se lance à son tour
dans la réalisation de films d'animation. Cohl expérimente alors différentes techniques, du dessin animé à l'animation de
marionnettes, mêlant notamment avec talent et humour l'animation à la prise de vue réelle (Le songe d'un garçon de café, 1910). Le cinéma d'animation, dans toute sa diversité, est né.
Jusqu'en 1923, Cohl tourne à un rythme effréné : en l'espace de quinze ans, il livre trois cents bandes pour Gaumont, Pathé
et Eclair. Les lunettes féériques et Le peintre néo-impressionniste, tournés tous les deux en 1910, évoquent le Paris insouciant des premières années du XXe siècle. Comme beaucoup de précurseurs,
Cohl mourra dans l'indifférence et la misère. Un documentaire tourné en 1990 lui rend justice : le passionnant Hommage à Emile Cohl de Fabien Ruiz, essentiellement composé d'interviews de personnalités du cinéma, dont Paul Grimault, et de proches de Cohl.
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Lortac a également réalisé des films, souvent pleins d'humour. Trois d'entre eux, produits pour les actualités Gaumont, se
déroulent à Paris (Actualités Gaumont octobre 1920, Actualités Gaumont janvier et février 1921).
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Alexandre Alexeieff (1901-1982), originaire de Kazan, la capitale des Tatars, débarque à Paris dans les années vingt. Il fait
partie de cette génération d'émigrés qui ont quitté leur pays après la prise du pouvoir par les Bolcheviks. A Paris, il rencontre
l'équipe des Ballets russes, ainsi que de grands noms du théâtre, tels Louis Jouvet et Gaston Baty, avec qui il travaille
comme décorateur et costumier. Il illustre également de nombreux livres de Giraudoux, Gogol ou Baudelaire. Au début des années
trente, il met au point avec son épouse Claire Parker sa technique de "l'écran d'épingles", qui lui permet de jouer sur les ombres et la lumière. Il réalise ainsi son premier film, Une nuit sur le mont chauve (1933), d'après un thème de Moussorgski. Ce film sera présenté pendant quelques semaines à Paris.
"J'ai appris à chanter l'essence, le café, les matelas et l'huile d'arachide en me disant qu'en d'autres temps j'aurais sans
doute chanté la Vierge, les saints ou quelque notable. Ces limites-là sont bonnes." C'est ainsi qu'Alexeieff évoque l'autre pan de sa production : ses nombreux films publicitaires en volume animé (Publicités animées par Alexeieff, 1952-1964). Très consciencieux, il consacre six mois à Pure beauté, un film d'à peine une minute réalisé pour Monsavon ! Alexeieff est aussi l'auteur de l'étonnant prologue du Procès (1962) d'Orson Welles.
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Egalement incontournable, Paul Grimault (1905-1994) est ce "poète aquarelliste" de Saint-Germain-des-Près qui a dessiné et dirigé un magnifique chef-d'oeuvre : Le roi et l'oiseau (1980), qui est en fait une nouvelle version de La bergère et le ramoneur, sorti en 1953, mais désavoué par son auteur. La carrière de Grimault commence dans les années trente, époque à laquelle
il fait une rencontre décisive, celle de Jacques Prévert. Il participe alors au groupe Octobre, qui réunit des Colporteurs du Front populaire, et joue des petits rôles dans L'Atalante (1934) et Le crime de Monsieur Lange (1935). Il tourne aussi avec Jean Aurenche son premier film, La table tournante (1932). Cette bande publicitaire deviendra le titre de son dernier film, qui revient sur son parcours d'animateur. En 1936,
il fonde avec André Sarrut la première société française de dessin animé, Les Gémeaux, qui marque une étape importante dans
l'histoire du cinéma d'animation. Il y réalise notamment le gracieux Voleur de paratonnerres (1945). Grand prix international du dessin animé au Festival de Venise en 1946, ce court métrage raconte les mésaventures
de deux policiers pourchassant sur les toits de Paris... un voleur de paratonnerres !
En 1951, en délicatesse avec la production, Grimault quitte finalement Les Gémeaux et crée son propre studio, rue Bobillot,
dans un quartier qu'il connaît bien : le 13e arrondissement. Malgré la situation fragile de sa nouvelle structure, Grimault
permettra à de jeunes cinéastes, comme Jacques Colombat ou Jean-François Laguionie, de tourner leur premier film. Jean-Manuel Costa fait aussi partie des assidus de la rue Bobillot. Encouragé par Grimault,
il entreprend en 1980 La tendresse du maudit, un magnifique film où coexistent le cauchemar et la poésie, dans un Paris dévasté.
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A partir des années soixante, Jean Image se tourne vers la télévision. Il réalise alors plusieurs séries pour enfants, comme
Picolo le petit peintre (1963-64), qui lui permettent de retrouver sa notoriété. La musique de Picolo a été réalisée par Henri Gruel, un animateur plus connu pour les films qu'il a réalisés à partir de dessins d'enfants, avec
la technique du papier découpé (Le voyage de Badabou, 1955, prix Emile Cohl). Gruel est aussi le compositeur de Fantorro le dernier justicier (1971) de Jan Lenica.
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Au cours de sa filmographie, Lenica expérimentera de nombreuses techniques, du papier découpé à la prise de vues réelles.
Comme un hommage à sa terre d'accueil, il situe l'action de l'un de ses films, Fantorro le dernier justicier (1971), dans un Paris transfiguré. Ce très beau film en forme de pochade associe avec élégance les références du feuilleton
populaire à celles de la science-fiction et de la bande dessinée.
Un autre animateur d'origine polonaise, grand admirateur de Reynaud dont il a rénové les bandes pour le centenaire du cinéma,
s'est inspiré de cette ville : Julien Pappé. Son Oiseau en papier journal (1961) est typique de la technique du papier découpé.
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Le méchant loup et le petit chaperon rouge marque une étape charnière : c'est le dernier film que Bardine tourne avec le Soyouz Mult Film. C'est également le film qui
lui permet de se faire connaître auprès d'un plus large public, en particulier grâce au Grand Prix qu'il remporte au Festival
d'Annecy. Enfin, par son contenu "politique", ce film n'aurait pu voir le jour avant la pérestroïka.
"Traité sous forme de comédie musicale, le film file la métaphore d'un terme, cher alors à Gorbatchev, de la "Maison européenne" : sur le chemin qui mène ce chaperon rouge et ce loup gris new look à Paris sont "convoqués" tous les vieux démons du dessin animé, note Pascal Vimenet dans le Cahier de notes sur... Garri Bardine. Des trois petits cochons aux sept nains, en passant par quelques figures archétypales du cinéma d'animation soviétique (Tchebourachka,
le crocodile Guenna...), les ombres de l'URSS totalitaire et de l'impérialisme américain se glissent subrepticement dans les
replis d'un décor, kitsch à souhait. Et, pendant que la grand-mère chante de façon inénarrable La vie en rose, on s'interroge sur les symboles qui émaillent cette succulente interprétation : quelle est cette "galette" qui circule dans la nouvelle Europe, qui est ce vieux loup gris famélique qui finit emprisonné, alors que les personnages
réunis du cartoon américain et soviétique s'unissent pour chanter des lendemains libres ?" Filant ainsi la métaphore, Garri Bardine parvient à faire de son truculent Méchant loup et le petit chaperon rouge un film qui sait enchanter petits et grands spectateurs !
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Aujourd'hui, la télévision constitue toujours une source de financement et de diffusion, surtout pour les films jeune public.
Verte (2002) de Serge Elissalde s'inscrit dans cette tendance. Adapté du roman éponyme de Marie Desplechin, ce film d'animation haut en couleur explore avec
malice les questions de l'héritage et de la filiation dans des décors parisiens ensorcelés. Verte a également été récompensé au Festival d'Annecy.
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Enfin, ajoutons à ce bref panorama des entreprises singulières, comme Le grand faucheux (1996) d'Eric Vanz de Godoy, une splendide métaphore de la création du monde, et Tous les i de Paris s'illuminent (1999) de Guillaume Casset, une étonnante comédie musicale réunissant les voix de Rachel Des Bois, M et Arthur H. Ou encore
Le tueur de Montmartre (2007), un moyen métrage d'animation, porté par un humour basé sur l'absurde et un style graphique très fort, qui a été réalisé
et fabriqué quasiment entièrement par un seul homme, Borislav Sajtinac, né dans l’ex-Yougoslavie. Tous ces films très différents
font encore de Paris un décor insolite sans cesse renouvelé.
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L'une des techniques d'animation les plus célèbres est celle du dessin animé, dont l'expression qualifie souvent à tort un
film d'animation destiné à des enfants, quelque soit la technique utilisée. En réalité, un dessin animé désigne un "film réalisé en partant d'une suite de dessins représentant les phases successives du mouvement d'un corps". Il peut donc s'agir aussi bien d'un film pour enfants que pour adultes. Un documentaire réalisé par Emilio Pacull, Des milliers d'images (1989), présente l'évolution du dessin animé, depuis sa naissance jusqu'aux techniques actuelles de réalisation en trois
dimensions.
Le premier film d'Emile Cohl, Fantasmagorie, est considéré comme le premier dessin animé de l'histoire du cinéma. Cohl en réalisera ensuite de nombreux autres, quelquefois
agrémentés de prises de vues réelles, comme ces Lunettes féeriques qui ont le pouvoir de révéler les pensées et les caractères, dévoilant ainsi la cupidité de tel vieillard, ou les goûts artistiques
de tel jeune homme parisien....
L'invention du celluloïd en 1915 aux Etats-Unis marque une nouvelle étape clé de l'histoire du cinéma d'animation : le dessin
animé va devenir une industrie. Cette technique permettant de superposer plusieurs dessins évite notamment de redessiner un
décor à chaque fois qu'un personnage bouge. Ce type d'animation est maintenant généralement assisté par un ordinateur, qui
permet entre autres de coloriser les images. C'est ce procédé, avec ses différentes évolutions, qui a été utilisé pour de
nombreux films d'animation, comme Le voleur de paratonnerres (1945) de Paul Grimault ou Chat c'est Paris (1962) d'Abe Levitow, une comédie musicale coécrite par Chuck Jones.
Dans les années soixante, le dessin animé gagne aussi les faveurs de la télévision, avec un réalisateur comme Jean Image (Picolo le petit peintre). Aujourd'hui, il est encore à l'honneur, avec des films aussi divers que La vieille dame et les pigeons (1996) de Sylvain Chomet, une merveille du cinéma d'animation traditionnel, ou Raoul et Jocelyne (2000) de Serge Elissalde, un court film d'une étonnante invention visuelle. Pour finir, signalons une petite curiosité :
La vilaine Lulu, un dessin animé réalisé à partir d'un scénario d'Yves Saint-Laurent, qui rythme l'émission Dim Dam Dom du 25 février 1967.
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Figure incontournable de l'animation dite de "marionnettes", le Polonais Ladislas Staréwitch recherche lui aussi à faire revivre, le temps d'un film, des insectes morts ou des "poupées" conçues spécifiquement pour ses films, dans son studio de Moscou puis de Fontenay-sous-Bois. En 1929 et 1930, il tourne le
premier long métrage d'animation français de marionnettes, Le roman de Renard. Une séquence particulièrement émouvante de Paris cinéma (1929) de Pierre Chenal le montre en plein travail.
Plus généralement, les pays de l'Est deviennent une référence en matière d'animation de marionnettes. Produit à Riga, en Lettonie,
d'après un épisode des Misérables, Cosette (1977) d'Arnold Burovs s'inscrit dans cette tendance. Bien des années plus tard, en France, Jean-Manuel Costa sortira de
sa léthargie une gargouille de la cathédrale Notre-Dame dans La tendresse du maudit (1980).
De son côté, Garri Bardine anime avec brio des petits personnages en pâte à modeler, en utilisant de la plastiline, une pâte
à modeler qui ne fond pas sous la chaleur des projecteurs. De Moscou à Paris, son Méchant loup et le petit chaperon rouge (1990) le consacre comme un maître du genre. C'est aussi la pâte à modeler que Jacques-Rémi Girerd, désormais célèbre depuis
La prophétie des grenouilles, a choisi pour Le petit cirque de toutes les couleurs. César du meilleur film d'animation en 1988, ce court métrage offre une promenade originale et pleine de charme dans les
sous-sols de la capitale qui, comme Le Méchant Loup et le petit chaperon rouge, s'adresse à tous les publics.
Point d'orgue de cette petite sélection, les Publicités animées par Alexandre Alexeieff, célèbre inventeur de "l'écran d'épingles", sont des modèles d'humour et d'imagination, où même les biscuits prennent vie !
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Le mélange de prises de vues réelles et d'images animées permet aussi de montrer Paris sous un jour insolite. Emile Cohl l'a
compris très tôt : ses films mêlent souvent ces deux techniques. Près d'un siècle plus tard, Space on earth (2001) de Patrick Volve, une parodie de science-fiction totalement loufoque, mêle aussi avec humour figurines en pâte à modeler
et prises de vue en décors naturels.
Clin d'oeil au célèbre Ballon rouge d'Albert Lamorisse, Le portrait de Josette au béret (1994) de Lorraine Groleau raconte de son côté les mésaventures d'une petite fille suivie par son béret rouge, impertinent
et farceur, qui se dandine sur des rythmes de cha-chacha...
Plus récemment, Florence Miailhe s'est distinguée avec Conte de quartier (2006), un conte urbain porté par la splendeur de la peinture et du sable animés directement sous la caméra. La réalisatrice
a su imposer un style singulier et personnel, sensuel et coloré, teinté d’érotisme. Ses "films peints" se situent entre le reportage dessiné et la promenade onirique.
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Une sélection de films d'animation | |||||||
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Le voleur de paratonnerres, par Jean-Pierre Pagliano | |||||||
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26 novembre 2010
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