Parcours
Les films parisiens de Marcel L’Herbier dessinent en filigrane un parcours essentiellement rive droite, ponctué par cinq œuvres
phares, L’inhumaine, L’argent, La nuit fantastique, La vie de bohème et La mode rêvée. On y découvre des lieux emblématiques ou prestigieux, des quartiers du vieux Paris, captés sur le vif ou réinventés en studio
au gré des multiples univers esthétiques conçus par l’auteur.
|
Pendant les années du muet (1918-1929), période la plus libre de la longue carrière de L’Herbier, chaque œuvre est l’évocation
d’un ailleurs, d’un réel transfiguré. Qu’il imagine des scénarios originaux ou qu’il adapte des œuvres littéraires, le cinéaste
est avant tout guidé par l’atmosphère qu’il veut créer, ce qui conditionne son choix du lieu de l’action. Il élabore ainsi,
dans nombre de films réalisés en bord de mer, une véritable symbolique de l’eau. Il part également tourner en Espagne et en
Italie, deux pays qui le fascinent.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||
Le film est logiquement situé à Paris, cœur de l’avant-garde française. Dans le scénario, le personnage de Claire Lescot doit
chanter au théâtre des Champs-Elysées, alors qu’une rumeur la rend responsable du suicide d’un jeune ingénieur. L’assistance,
partagée, va l’acclamer ou la huer. L’Herbier fait clairement référence au scandale qui avait eu lieu dans ce même théâtre
le 29 mai 1913, lors de la création du Sacre du printemps de Stravinsky dans une chorégraphie iconoclaste de Nijinsky. Le bâtiment fut donc choisi comme symbole de modernité, aussi
bien architecturale que musicale. Par souci de réalisme, le cinéaste avait invité le Tout-Paris aux prises de vue, en leur
donnant pour consigne de prendre parti pour ou contre la cantatrice.
De très nombreux plans, montés selon un habile découpage, décrivent l’arrivée du public, la tension grandissante pendant la
première partie du spectacle (une prestation des Ballets Suédois), puis le chahut, au moment où la diva monte sur scène. Le
hall et la salle tout entière sont auscultés sous des angles très variés (le réalisateur y avait installé une dizaine de caméras).
Cette longue séquence illustre à elle seule l’exceptionnelle effervescence artistique des années 1920.
Trois ans plus tard, une partie du Vertige se déroule à Paris, presque exclusivement dans de vastes décors à dominante art déco, conçus cette fois encore par Mallet-Stevens.
|
|
|||||
En écho à l’architecture solennelle et démesurée de la Bourse, les décors construits en studio de la Banque Universelle et
de plusieurs appartements de luxe sont également surdimensionnés, dans un style art déco flamboyant signé Meerson et Barsacq.
Au nombre des autres aperçus de Paris, on découvre un superbe panorama des toits de la ville, puis une captation nocturne
de la place de l’Opéra, illuminée et envahie de badauds.
|
|
|||||
La même année, le premier film parlant de L’Herbier, L'enfant de l’amour (tiré d’une pièce d’Henry Bataille), est situé à Paris, de 1900 à 1929. A côté de nombreuses scènes filmées en studio, une
étonnante séquence restitue l’atmosphère insouciante du Paris des années folles. Elle a été captée de nuit à l’ancien Luna
Park de la porte Maillot. Des plans généraux d’un toboggan aquatique alternent avec des plans tournés en caméra subjective,
au ras de l’eau, selon différents points de vue. Ces images de fête constellées de lumières électriques (manèges, montagnes
russes, galerie de miroirs déformants, immense dancing à galerie…) constituent aujourd’hui un document nostalgique sur des
lieux disparus.
|
|
|||||
Le premier volet, situé en Ile-de-France, est intégralement réalisé en studio. Quant au second, il débute à Paris pour se
poursuivre dans un château azuréen, et fait une large part aux décors naturels, parmi lesquels le parvis et les quais de la
gare de Lyon.
Par la suite, Marcel L’Herbier va mettre en scène de nombreuses œuvres de commande, adaptées de la littérature et du théâtre
dits bourgeois. Les auteurs de ces romans et de ces pièces choisissent souvent Paris comme cadre de leurs intrigues – ce Paris
de la vie mondaine ou noctambule qu’ils fréquentent eux-mêmes.
Certains de ces films, comme Le bonheur (1934) et Au petit bonheur (1945), évoquent la Ville Lumière par de rares extérieurs, dont la fonction est de relier et d’aérer d’autres séquences tournées
en studio. Dans L’épervier (1933), Terre de feu (1938) et La révoltée(1947), où les héros évoluent dans plusieurs pays, ces plans de transition sont parfois des images d’archives et permettent
d’identifier immédiatement Paris.
Dans d’autres, tels Le scandale (1934), L’honorable Catherine (1942) ou Histoire de rire (1941), des décors construits sont censés reproduire des lieux publics ou privés. Pour ce dernier titre, une seule séquence
a été filmée en extérieurs dans la capitale, rue de Rivoli.
|
|
|||||
En 1939, le gouvernement avait commandé à L’Herbier un court métrage destiné à promouvoir la haute couture française à l’Exposition
de New York. Le cinéaste imagina alors un conte surréel, La mode rêvée. Une jeune étrangère s’endort au musée du Louvre, et voit s’animer les personnages du tableau de Watteau, L’embarquement pour Cythère. Soudain, une averse éclate et détrempe les amples toilettes XVIIIe des belles dames. Celles-ci quittent la peinture au ralenti,
comme dans un songe, et partent chercher de nouveaux atours chez les grands couturiers de Paris. Grisées par leurs modernes
robes du soir, les élégantes flânent dans la ville, avant de regagner L’embarquement pour Cythère, métamorphosé en tableau vivant de la mode parisienne de 1939…
|
|
|||||
La chronique suivante, ouvertement politique, vise à rapprocher la France et le Royaume-Uni face à la menace nazie. Entente cordiale (1939) retrace l’histoire de l’important accord franco-britannique signé en 1904. Les lieux prestigieux et les quartiers
populaires de Londres et de Paris sont reconstitués avec d’importants moyens aux studios de Saint-Maurice.
La dernière "chronique filmée" de Marcel L’Herbier est, en 1946, L’affaire du collier de la reine. Les séquences parisiennes ont été réalisées en studio, tout comme les intérieurs évoquant le palais de Versailles.
|
|
|||||
|
|
|||||
Marcel L’Herbier est né à Paris en 1888 ; il s’y est éteint en 1979. Peut-être est-ce dans La nuit fantastique , au cœur du labyrinthe de ce Paris fantasmé, que transparaît le mieux l’attachement du cinéaste à sa ville natale – une
ville qui resta, tout au long de sa vie, son lieu de résidence principal.
|
|
|||||
Marcel L'Herbier, Jaque Catelain et Jacques Vautrain, 1950
Marcel L'Herbier, Noël Burch, 1973
La tête qui tourne, Marcel L'Herbier, 1979
|
|||||
|
|
|||||||
Paris, capitale de la mode | |||||||
|
Mireille Beaulieu
Mireille Beaulieu est historienne du cinéma, programmatrice et journaliste.
|
Rechercher
Pour choisir un film, taper un ou plusieurs mots (nom, thème, titre, collection, auteur...):