A Drancy, la cité Muette, construite dans les années 1930, inachevée pour raison économique, n’a jamais été habitée avant
d’être réquisitionnée par l’armée allemande en 1940, pour la détention des prisonniers de guerre anglais et français. Elle
devient un camp d’internement en août 1941 lors de la première rafle dans l’est parisien de 3000 hommes « juifs étrangers
». Elle sera le principal lieu où seront rassemblés les Juifs raflés sur tout le territoire français, 63 000 hommes, femmes
et enfants qui sont partis de Drancy pour les camps de la mort. La gestion du camp, surnommé l’« antichambre de la mort »,
est confiée aux autorités françaises et la surveillance est assurée par la gendarmerie qui maltraite les internés jusqu’en
juillet 1943.
Au lendemain de la guerre, conservée à l’identique, «réhabilitée», la cité retrouve sa vocation de logement social en 1947.
Elle héberge aujourd’hui près de 500 locataires aux revenus modestes, retraités, anciens SDF et ex-pensionnaires d’hôpitaux
psychiatriques. Ce lieu raconte à lui seul le mutisme d’une nation entière sur son histoire, un lieu au passé tragique qui
héberge aujourd’hui les personnes les plus vulnérables de notre société.
Sabrina Van Tasse met en parallèle, à l’aide d’archives photographiques et de témoignages, l’histoire du camp et celle de
la cité aujourd’hui. Elle interroge les « habitants » d’hier et d’aujourd’hui qui s’y croisent. Les derniers survivants du
camp de transit reviennent sur les lieux même de leur passage, leurs divers témoignages décrivent les conditions d’arrestation
et d’internement des déportés et la collaboration de la police française. Les locataires, quand à eux, expliquent que chaque
petit appartement contient encore des secrets douloureux et des traces gravées sur les murs, révélés par quelques travaux
de rénovation. Serge Klarsfeld, conseiller historique, ponctue tout au long du film les témoignages et les questions posées
par la réalisatrice.