Parcours
D'Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle à Autour de minuit de Bertrand Tavernier, retour sur un demi-siècle de cinéma fortement marqué par le jazz.
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A partir de là, les musiciens, dans des conditions équivalentes à celles du cinéma muet, improviseront littéralement devant
les images. Le noir et blanc du chef-opérateur Henri Decae et l'atmosphère nocturne du film seront éternellement associées
à la musique, à la fois tragique et ouatée, du quintette de Miles Davis. Louis Malle, parfaitement conscient de l'impact de
la musique sur son film, déclarera plus tard : "La musique a contribué au succès du film. Elle lui a donné son ton, son atmosphère, et quand je dis atmosphère, c'est au sens
noble du terme. Dans le film, il y a une espèce de ton général, une espèce d'ambiance que la musique de Miles maintient d'un
bout à l'autre et qui lui donne son unité." (Jean-Louis Ginibre, 30 ans de cinéma (6) : ascenseur et grand couteau, Jazz magazine, n°70, mai 1961, p. 35)
Cette réussite incontestable servira de détonateur et de modèle pour un certain nombre de cinéastes de l'époque, tels Edouard
Molinaro qui demande à Art Blakey et ses Jazz Messengers de composer la musique de Des femmes disparaissent ou à Barney Wilen, entouré notamment du trompettiste Kenny Dorham et du fidèle Kenny Clarke, de graver la bande originale
d'Un témoin dans la ville, ou Roger Vadim qui engage le Modern jazz quartet pour son second film, Sait-on jamais, et qui pour ses Liaisons dangereuses, relecture modernisée du roman de Laclos, fait appel à Thelonious Monk et à nouveau à Art Blakey et ses Jazz Messengers que
l'on voit d'ailleurs à l'écran dans une séquence de fête. Au tournant des années 1950-60, le jazz est à la mode : il est un
gage de jeunesse sur fond de fascination pour l'Amérique, mais il produit aussi des musiques qui, plus de quarante ans plus
tard, ont parfois moins vieilli que les images qu'elles accompagnent.
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Dans pratiquement tous les films qu'il réalisera ensuite, tout au long des années 1960, le jazz et les scènes de boîte de
nuit seront comme une marque de fabrique, liant cette musique, la plupart du temps écrite par des compositeurs français importants
comme Paul Misraki (Le doulos), François de Roubaix (Le samouraï) ou Éric Demarsan (Le cercle rouge), au film noir à la française tel que Melville l'a emblématisé. C'est d'ailleurs Melville qui jouera le rôle d'intermédiaire
auprès de Godard et qui lui conseillera de faire appel à Martial Solal pour la musique d'A bout de souffle. La rencontre est ici d'importance. Même si Solal confesse, bien des années plus tard, que Godard avait sans doute très peu
d'affinités personnelles avec le jazz, force est de reconnaître que la conjonction image-musique est ici particulièrement
symbiotique. L'art de la syncope, une certaine forme d'improvisation, le naturel du style et des comédiens, le caractère instantané
et imprévisible d'A bout de souffle est en parfaite adéquation avec la partition rythmique, poétique, haletante de Martial Solal.
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Les années 1980 marquent aussi un léger revival du jazz au cinéma mais sur un mode plus nostalgique. C'est évidemment le film
de Bertrand Tavernier, Autour de minuit, qui est le moment fort de cette vague rétro. Inspiré par la fin de la vie de Bud Powell à Paris, Tavernier met en scène
le saxophoniste Dexter Gordon, comme une figure emblématique de musicien exilé, face à Francis (François Cluzet) inspiré par
Francis Paudras qui fut l'ami de Bud Powell et le filma dans son quotidien comme en témoigne son montage d'archives, La danse des infidèles. Avec Autour de minuit, Tavernier rend un bel hommage à cette geste des musiciens américains réfugiés à Paris, ville d'accueil et de musique, et
clôt provisoirement cette histoire à laquelle on peut aussi associer le retour de Martial Solal avec Les acteurs de Bertrand Blier, ainsi que le beau court métrage de Bertrand Fèvre, Chet's romance, où la figure de Chet Baker est, une ultime fois, magnifiée par un noir et blanc mythologique…
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Cette filmographie reprend l'ensemble des films cités dans ce parcours thématique évoquant la capitale, ainsi que d'autres
films complémentaires sur le même sujet.
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de Louis Malle
avec M. Ronet et J. Moreau
fiction, 1957, noir et blanc, 1h27min
Sait-on jamais
de Roger Vadim
fiction, 1957, couleur, 1h36min
Un extrait de ce film fait partie du documentaire de Jean Boyer Horizons nouveaux, sur les rapports qu'entretiennent jazz et cinéma.
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Des femmes disparaissent, Art Blakey, Fontana, 1958
Ascenseur pour l'échafaud, Miles Davis, Fontana, 1957
A bout de souffle, Martial Solal, Emarcy/Universal, 1959
Un témoin dans la ville, Barney Wilen, Fontana, 1958
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Le Paris de Jean-Pierre Melville, par Franck Garbarz | |||||||
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Paris, jazz et cinéma | |||||||
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Chantons à Paris ! | |||||||
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Thierry Jousse
Thierry Jousse appartient au comité de rédaction des Cahiers du cinéma. Il est notamment l'auteur de Pendant les travaux, le cinéma continue : les années 90 et après (2003), de John Cassavetes (2001) et a participé à l'édition de Jazz et cinéma (2000) de Gilles Mouellic.
avril 2003
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