LE PORTAIL DES FILMS
SUR PARIS ET LA REGION ILE-DE-FRANCE

 

Île de France

Mairie de Paris

 

Parcours
Années 1850 - Le Paris d'Haussmann
par Thierry Paquot
P84
Paris, roman d'une ville de Stan Neumann
collection Paris Île-de-France
Il y a plus de cent-cinquante ans débutaient les gigantesques travaux lancés par le baron Haussmann. De nombreux films nous éclairent sur ce Paris haussmannien et sur l'atmosphère de la vie parisienne à cette époque.


Haussmann, le "ministre" de Paris
Nommé Préfet de la Seine en 1853, destitué en 1870, le baron Georges-Eugène Haussmann (1809-1891) a durant dix-sept ans été le "ministre" de Paris, une capitale profondément remodelée et embellie. Les douze arrondissements, dont il hérite, sont surpeuplés, incommodes, embouteillés, taudifiés et malsains (les trop nombreuses victimes de l'épidémie du choléra, en 1832, sont encore dans toutes les mémoires…). Il est vrai que la ville attire des populations de toutes les provinces et de nombreux pays voisins, à la recherche d'un emploi, d'un statut, bref d'une situation. Et ce faisant, Paris voit sa population s'accroître considérablement, passant d'environ six cent mille habitants à la Révolution à plus d'un million en 1846 et deux millions en 1876. Entre-temps, il est vrai, Paris s'est agrandi, annexant en 1860 plusieurs villages ou morceaux de villages mitoyens et se dotant de vingt arrondissements.

Influencées par Napoléon III (qui a beaucoup apprécié Londres, lors de son exil), les ambitions d'Haussmann concernent les réseaux (percements de nombreuses avenues et boulevards, facilitant ainsi la circulation dans la ville et en particulier autour des gares ; canalisations en sous-sol d'égouts, de conduites d'eau et de gaz), les parcs et jardins (les bois de Vincennes et de Boulogne sont rattachés à la ville et les squares de quartier se multiplient), les immeubles de qualité (nouvelle législation sur les hauteurs, les façades, les équipements, les techniques du lotissement), l'administration de la ville et le confort (mobilier urbain, éclairage, fontaines, etc.).

Décrié par les uns qui crient à la gabegie (Les comptes fantastiques d'Haussmann, par Jules Ferry) ou à la répression policière (installation de casernes et boulevards gênant l'édification des barricades), encensé par d'autres qui s'enthousiasment pour une ville étincelante, luxueuse, admirée du monde entier, le baron Haussmann, si controversé, n'est pas devenu pour autant un personnage du 7e art. Certes, les adaptations cinématographiques des romans de Zola, parfois, le font apparaître, mais il a le mauvais rôle, celui par qui la spéculation immobilière, les magouilles foncières, les compromissions de toute nature sont possibles… La réalité historique est moins spectaculaire, le baron Haussmann est un homme de pouvoir, travailleur acharné, appréciant certes les maîtresses et un train de vie digne de son rang, mais cela prendra fin avec son départ des affaires. Il rédige alors les trois volumes de ses Mémoires (1891-1893), s'essaie à la poésie et se consacre aux orchidées.


Leçons d'urbanisme
Quelques documentaires exposent, plans et illustrations d'époque à l'appui, l'ampleur des travaux haussmanniens et tentent d'apprécier, de manière critique, l'œuvre du baron Haussmann et de ses acolytes, tels Belgrand et Alphand. Le baron Haussmann de Roland Bernard visite les "bonnes adresses" du Préfet et insiste sur les équipements qu'il installe à Paris (eau, lumière, halles, gares, opéra et théâtres…). La série de Pierre Dumayet, Impressions d'Orsay, propose un Haussmann et l'haussmannisation, par Jean Douchet, qui, en quatorze minutes, alterne des documents iconographiques d'époque et des vues contemporaines prises depuis un hélicoptère. Un tel procédé laisse croire que Haussmann a anticipé sur les besoins de notre époque en matière de circulation, par exemple, alors qu'il n'en est rien… Le film privilégie les grandes percées, les parcs et les espaces verts au logement ou aux marchés de quartier.

Avec Paris, roman d'une ville, Stan Neumann, accompagne dans ses parcours l'historien François Loyer, auteur d'une monumentale étude : Paris XIXe siècle. L'immeuble, la rue (Hazan, 1987). La ville vue des toits est absolument magique, on découvre une autre typo-morphologie, on prend mieux compte des gabarits, des perspectives, des échelles du bâti. C'est une véritable leçon d'urbanisme, in situ, que nous délivre l'historien et l'on apprend ainsi l'incroyable subtilité des praticiens de cette époque et l'étonnante prouesse des édiles à fabriquer une ville-décor.


Atmosphères
Au bonheur des dames d'André Cayatte
Les fictions nous éclairent également sur le Paris haussmannien, non pas tant sur les procédures ou les règlements, mais sur "l'atmosphère" de la vie parisienne durant une période que les historiens nomment "l'âge d'or du capitalisme français". Pas pour tous et Zola ne se prive pas pour raconter les difficultés d'une Gervaise, par exemple. Avec La curée, jamais adapté au cinéma, il reconstitue avec une rare perspicacité l'euphorie d'un temps de l'argent facile.

Les films adaptés des Rougon-Macquart contiennent de nombreux anachronismes (tant au niveau de la langue parlée que du mobilier ou de certains vêtements), mais la reconstitution de Paris en studio est souvent fidèle : c'est l'ambiance des salons, des bureaux, des magasins, des scènes de rue, qui exprime bien ce qu'était le Second Empire, comme en témoignent Au bonheur des dames d'André Cayatte (1943, certains y voient une illustration du corporatisme de Vichy…) ou la version muette de Julien Duvivier (1929). Pot-Bouille, également de Julien Duvivier (1957), raconte l'ascension sociale d'Octave Mouret avant qu'il n'ouvre son grand magasin Au bonheur des dames ; Gérard Philipe est grandiose de cynisme et de détermination, Danielle Darrieux émouvante et la jeune Bernadette Laffont déjà effrontée… Gervaise de René Clément (1955, avec Maria Schell et François Périer) montre bien les faubourgs de la ville et le rôle, pour le petit peuple, de l'Assommoir - ce bistrot au mauvais alcool qui assomme. Nana de Christian-Jacque (1954, avec Martine Carol, et Charles Boyer) décrit le monde si particulier de la demi-mondaine, des théâtres de boulevard et des gens de la haute bourgeoisie qui s'encanaillent. Il existe plusieurs adaptations de ce roman, dont la version de Jean Renoir, Nana, en 1926, à laquelle a collaboré la fille de l'écrivain, Denise Leblond-Zola.

De nombreux films, furtivement et sans le dire, montrent des quartiers haussmanniens ou débutent par un long travelling - une vue panoramique - sur des avenues tracées sous le Second Empire. Les larges boulevards avec des lampadaires, des bancs publics, des urinoirs, ou encore les parcs et les bois urbains, sans oublier les immeubles de rapport, témoignent du décor de cette époque. Un bon nombre de films les utilisent, les lister serait fastidieux : citons Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda, 1962), Paris vu par ... produit par Barbet Schroeder (Jean Rouch, Jean Douchet, Eric Rohmer, Jean-Luc Godard et Claude Chabrol, 1965), Paris au mois d'août (Pierre Granier-Deferre, 1965), Le samouraï (Jean-Pierre Melville, 1967), Place de la République (Louis Malle, 1972), I comme Icare (Henri Verneuil, 1979), Femmes de personne (Christopher Frank, 1984), Rive droite, rive gauche (Philippe Labro, 1984), Place Vendôme (Nicole Garcia, 1997)… sans oublier un montage d'extraits de documentaires et de films d'époque, Paris 1900 (Nicole Vedrès, 1947).


Filmographie sélective
Documentaires
de Nicole Vedrès
1948, 1h19min
Le baron Haussmann, série Bonnes adresses du passé
de Roland-Bernard
1970, 42min
Haussmann et l'haussmannisation, série Impressions d'Orsay
de Jean Douchet
1986, 14min
de Stan Neumann
1991, 49min
Fictions
de Julien Duvivier
1929, 1h15min
de André Cayatte
avec Michel Simon
1943, 1h23min
de Jean Renoir
avec Catherine Hessling
1926, 1h41min
de Christian-Jaque
avec Martine Carol
1954, 1h56min
de René Clément
avec Maria Schell
1955, 1h52min
de Julien Duvivier
avec Gérard Philipe
1957, 1h53min
Films en écho
de Agnès Varda
avec Corinne Marchand
1962, 1h26min
de J. Douchet, J. Rouch, J.-D. Pollet, E. Rohmer, J.-L. Godard, C. Chabrol
1965, 1h32min
de Pierre Granier-Deferre
1965, 1h38min
de Jean-Pierre Melville
1967, 1h40min
de Louis Malle
1974, 1h31min
I comme Icare
de Henri Verneuil
1979, 2h
de Christopher Franck
1984, 1h42min
de Philippe Labro
avec Gérard Depardieu
1984, 1h40min
de Nicole Garcia
avec Catherine Deneuve
1997, 1h57min
Bibliographie
Atlas du Paris haussmannien. La ville en héritage du Second Empire à nos jours, Pierre Pinon, Parigramme, 2002
Une excellente présentation des travaux haussmanniens, magnifiquement illustrée, par un des plus fins connaisseurs de l'urbanisme et de l'architecture de cette période.
Mémoires, Georges Haussmann, Seuil, 2000
La modernité avant Haussmann. Formes de l'espace urbain à Paris 1801-1853, textes réunis par Karen Bowie, Editions Recherches, 2001
Commission des embellissements de Paris. Rapport à l'Empereur Napoléon III, Henri Siméon (décembre 1953), édité et présenté par Pierre Casselle, avant-propos de Michel Fleury, Editions Rotonde de La Villette, 2000
Transforming Paris. The life and labors of baron Haussmann, David P. Jordan, The University of Chicago Press, 1995
Napoléon III, l'architecte et l'urbaniste de Paris, Irene A. Earls, Centre d'Etudes Napoléoniennes, 1991
Paris-Haussmann, sous la direction de Jean des Cars et Pierre Pinon, Picard, 1991
Haussmann, préfet de la Seine, 1853, numéro spécial de "La vie urbaine" n°3-4, Nouvelle Série, PUF, 1953
Du vieux Paris au Paris moderne. Haussmann et ses prédécesseurs, André Morizet, Hachette, 1932
En écho
Sur le site du Forum des images
Histoire architecturale et urbaine de Paris

 

Emile Zola

 

Thierry Paquot
Thierry Paquot est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l'architecture et à l'urbanisme, notamment La ville au cinéma (co-dirigé avec Thierry Jousse, 2005). De 1994 à 2012, il fut l'éditeur de la revue Urbanisme.
septembre 2003
mise à jour 28 novembre 2008

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