Parcours
Des bars populaires aux terrasses chics de Saint-Germain-des-Prés, les cafés sont devenus au fil du temps une institution
typiquement parisienne. Le cinéma et la télévision se sont emparés de ce lieu vivant, où se côtoient toutes sortes de personnages.
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Le café des amis, Le Jean-Bart, Le thermomètre, Le café de l'église, Le Balto, Le penalty, Le café du coin, Le panier fleuri,
Le Chiquito, Le progrès, Les balcons, Le Reinitas, Le café de la terrasse, Les trois chapeaux…
Les enseignes de cafés sont comme autant de repères dans les rues de Paris. D'ailleurs, existe-t-il une rue parisienne qui
n'ait pas son café ? Certainement, mais elles ne sont pas légion. Ce qui est devenu une institution a vu le jour dans la capitale
: en 1672, un Arménien, Pascal, a ouvert la première "maison de café" à la foire Saint-Germain, où l'on ne pouvait déguster que le breuvage du même nom, récemment arrivé en France. Mais le premier
café à obtenir un véritable succès fut le célèbre Procope (qui se trouve encore aujourd'hui rue de l'Ancienne-Comédie), du
nom de son propriétaire, le gentilhomme sicilien Francesco Procopio dei Coltelli. Puis les cafés se sont multipliés : 380
en 1723, 1800 à la veille de la Révolution, plus de 4000 en 1807… Combien aujourd'hui ?
Le lien entre cinéma et café se fait dès les origines du septième art : la première des projections du cinématographe Lumière
n'a-t-elle pas eu lieu au Salon indien du luxueux Grand café de Paris en décembre 1895, séance reconstituée par Roger Leenhardt
dans Naissance du cinéma ? Autre exemple de ce lien (même si café et cinéma sont ici mis en opposition) : au début du siècle, c'est justement pour
détourner les classes populaires des bistrots (et de la consommation d'alcool) qu'ont été organisées pour les familles des
projections cinématographiques (notamment de films antialcooliques) par l'Eglise, qui avait perçu le pouvoir d'attraction
de ce nouveau médium…
En tout cas, que ce soit par le biais de la fiction ou à travers une approche documentaire, le cinéma et la télévision se
sont emparés de ces lieux vivants, qui sont comme autant de scènes de théâtre, réservoirs à histoires inépuisables qui permettent
de faire se côtoyer toutes sortes de gens. D'ailleurs, qui fréquente les cafés dans les films et dans la vie ?
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Justement, dès la fin du XIXe siècle, on venait danser ou écouter des chansons dans de nombreux cafés populaires. Un des plus
célèbres d'entre eux, Le chat noir, où officiait le célèbre chansonnier Aristide Bruant, est évoqué dans De Courtenay à Montmerte. La tradition des cafés concerts est abordée dans un numéro de la série Dim Dam Dom, Le dernier des caf'conc', et pour imaginer ce que furent les guinguettes du début du siècle, entre autres fréquentées par les apaches, il n'est qu'à
se remémorer la merveilleuse scène de la valse dansée par Jo Manda et Casque d'or.
Aujourd'hui encore, certains cafés perpétuent cette tradition (La rengaine de la nuit), mais il n'est pas forcément besoin de musique pour se retrouver autour d'un café ou d'une bière : l'action de Ça va ça vient, réalisé par Pierre Barouh en 1970, se déroule en partie dans des cafés de la place des Fêtes en reconstruction, où se retrouvent
des ouvriers du bâtiment, tandis qu'Un samedi à la Goutte d'or montre des travailleurs immigrés d'origine maghrébine (ou portugaise dans Las amigas) dans des moments de détente au bistrot. D'aucuns disent que la tradition des cafés populaires est moins vivace (Bistrots la dernière tournée). Est-ce bien sûr ?
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En 1967, soit juste un an avant la révolte de la jeunesse, Roger Leenhardt propose une savoureuse étude, à travers les siècles,
de deux types de jeunes opposés et complémentaires : Le beatnik et le minet. Les deux spécimens sont présentés attablés à une terrasse de café (qui lui aussi évolue selon l'époque, le Café de la poste se transformant en Tournon). Devinez lequel, du bohême et du gandin, est interprété par Gérard Depardieu, ici dans son premier rôle ? Les deux dragueurs
des Mauvaises fréquentations, eux, ne sont pas du tout politisés, mais leur lieu de rendez-vous privilégié reste le café : n'est-ce pas là qu'on peut
y rencontrer des filles ?
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Philippe Garrel filme aussi les cafés comme des lieux propices à l'échange. Dans J'entends plus la guitare, il est presque le seul "extérieur". Comme pour ne pas distraire de l'essentiel, les personnages y sont cadrés serrés et l'on n'entend pas le bruit des autres
clients ; c'est un lieu quasiment abstrait, le lieu des confidences, de l'expression des sentiments. La rencontre du couple
de Sauvage innocence se fait aussi dans un café. Philippe Garrel est à la fois l'héritier d'Eustache et de la Nouvelle Vague, admirateur surtout
de Jean-Luc Godard.
Décor de nombre de films de Godard dans les années soixante (La Chinoise, Masculin féminin), le café est une sorte d'aide à la fiction qui rend possibles et naturelles des rencontres qui autrement auraient été hautement
improbables. Dans Vivre sa vie, Nana, jeune prostituée interprétée par Anna Karina, fait la connaissance dans le brouhaha d'un café du philosophe Brice
Parain, qui joue son propre rôle. Comme un film dans le film, cette rencontre de hasard est l'occasion d'une longue discussion
sur la pensée, le langage, l'amour et la vérité.
Chez Eric Rohmer, le café un lieu neutre, où l'on vient plus pour le plaisir du rendez-vous que pour l'attrait d'un endroit
particulier. Dans Les nuits de la pleine lune, Fabrice Luchini déclare : "J'aime de plus en plus les endroits impersonnels comme ici, les cafés sans clientèle d'habitués, noyés dans l'anonymat… Ça
m'inspire, tu peux pas t'imaginer… La semaine prochaine, je reviens là pour écrire."
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Exemple d'un équilibre réussi entre ces deux composantes : les films de Jean-Pierre Melville, comme Bob le flambeur et Le Doulos, qui mettent en scène des truands à la recherche de mauvais coups, traînant dans les cabarets et les cafés interlopes de
Pigalle. A peu près à la même époque, à la fin des années cinquante, un "ancien", Gilles Grangier, s'attelle lui aussi, dans Le désordre et la nuit, à filmer l'ambiance nocturne des cafés parisiens où gravite le monde de la pègre, surveillée par un commissaire de police
incarné par Jean Gabin.
François Truffaut, dans Tirez sur le pianiste, offre une variation très libre sur le thème du film policier… et du café. Le film commence et finit dans un bar, celui de
Plyne, qui ne ressemble pas aux autres cafés de polars (Boby Lapointe y chante Avanie et Framboise…), tout comme Tirez sur le pianiste ne ressemble pas aux autres films noirs. Dans cet hommage à la série B américaine, il n'est finalement question que d'amour
: amour fou du patron de café pour la serveuse, de la serveuse pour le pianiste, du pianiste pour sa femme disparue.
Plus contemporain, Neige, première réalisation de la comédienne Juliet Berto, met en scène tout une faune de marginaux, drogués et prostituées gravitant
autour du café dont l'héroïne est la serveuse.
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Au début du XXe siècle, les cafés de Montparnasse deviennent le repaire de nombreux peintres, photographes ou écrivains. La
série Les heures chaudes de Montparnasse, classique du petit écran réalisé par Jean-Marie Drot dans les années soixante, rappelle l'atmosphère qui régnait dans des
endroits comme La closerie des lilas ou La rotonde, où se réunissaient des artistes venus du monde entier.
Un peu plus tard, c'est au tour de Saint-Germain-des-Prés, lieu de rendez-vous privilégié des existentialistes, d'entrer sur
le devant de la scène : cette glorieuse époque est évoquée par Jacques Baratier dans Le désordre a vingt ans, qui comporte de nombreuses images d'archives. En 1959, Eric Rohmer s'empare de ce quartier mythique pour tourner son premier
long métrage, Le signe du lion. Les terrasses du Flore, des Deux magots et du Café royal, d'abord accueillantes, vont peu à peu refléter la solitude et la détresse du personnage principal, un musicien américain
interprété par Jess Hahn.
Les artistes en effet sont quelquefois sans le sou, comme on le voit dans La vie de bohème d'Aki Kaurismaki, une adaptation du roman de Henri Murger ponctuée par plusieurs scènes situées dans des bistrots. Le café
peut également devenir pour l'artiste qui le fréquente une source d'inspiration : ainsi, Rencontres au petit café montre comment un café parisien a inspiré au dramaturge Tristan Bernard sa pièce Le petit café.
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Les films de fiction prennent également pour protagonistes le personnel des cafés : ainsi Garçon !, dont le personnage principal est le serveur d'une grande brasserie parisienne, interprété par Yves Montand, ou un film muet
réalisé en 1910, Le songe d'un garçon de café, dans lequel Emile Cohl met en scène avec brio les rêves d'absinthe d'un serveur assoupi. Mais l'ambiance dans les cafés
n'est pas toujours à la joie : le très beau film Une aussi longue absence, écrit par Marguerite Duras, a pour héroïne la patronne d'un café de banlieue, femme d'âge mûr qui croit reconnaître dans
le clochard passant chaque jour devant le bar son mari disparu à la guerre.
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Même s'il y a des bistrots populaires et des cafés plus chics, dans tous les quartiers de Paris il existe des cafés où se
mêlent des gens différents, habitués ou buveurs occasionnels, faisant de cette institution typiquement parisienne un lieu
de vie le plus souvent chaleureux, comme on le voit par exemple dans Bistrots de Paris ou dans Cafés de Paris. Sans éprouver le besoin de sortir du lieu, de nombreux réalisateurs de documentaires ont installé leur caméra dans un café,
recueillant la riche "matière humaine" qui se trouve rue de Lappe (Amour rue de Lappe de Denis Gheerbrant), Rue de Gergovie (Serge Huet), à Pigalle (Pigalle nuit et jour de Régine Abadia) ou rue de Bagnolet (Les gobeurs de lune de Peter Bach). Cédric Klapisch, dans Chacun cherche son chat, réussit également à rendre l'atmosphère particulière des cafés du quartier de Bastille en pleine mutation, mêlant jeunes
branchés et petites mémés.
Enfin, une évocation des images des cafés ne pourrait s'achever sans qu'il soit question d'un des cinéastes français qui les
a peut-être le plus filmés, Claude Sautet. Peut-être parce que son père tenait lui-même un café à Montparnasse, il en a fait
le décor récurrent de ses films, notamment Vincent, François, Paul et les autres et Une histoire simple. A Michel Boujut qui lui demandait dans le livre d'entretiens qu'il lui a consacré, "Le café où la bande se retrouve [dans Mado] c'est le lieu magique auquel vous ne savez échapper ?", Claude Sautet répondit : "Il n'y a rien à faire ! Le voudrais-je, les tournages m'y ramènent. Ces restaurants et ces cafés, où l'équipe se retrouve,
créent toujours un brassage social entre ouvriers, comédiens, producteurs, techniciens. Un café est un havre, et je suis trop
rat des villes pour m'en passer !"
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Cette filmographie reprend l'ensemble des films cités dans ce parcours thématique évoquant la capitale. |
de François Truffaut
avec Charles Aznavour
fiction, 1960, noir et blanc, 1h18min
de Claude Sautet
avec Yves Montand
fiction, 1974, couleur, 1h53min
de Juliet Berto et Jean-Henri Roger
avec Juliet Berto et Jean-François Stévenin
fiction, 1981, couleur, 1h27min
Les nuits de la pleine lune, série Comédies et proverbes
de Eric Rohmer
avec Pascale Ogier
fiction, 1984, couleur, 1h37min
Rendez-vous au café, série L'avenir est à vous
de Françoise Dumayet et Jean-Pierre Chartier
documentaire, 1962, noir et blanc, 15min
Les cafés de Paris, série Chroniques de France
de Guy Gilles
documentaire, 1966, noir et blanc, 6min23s
Le dernier des caf'conc', série Dim Dam Dom
de François-Raoul Duval
documentaire, 1969, couleur, 6min18s
Bistrots de Paris, série Chroniques de France
de Patrice Molinard
documentaire, 1977, couleur, 6min17s
Ils s'en venaient de l'Oural et du Mississipi, série Les heures chaudes de Montparnasse
de Jean-Marie Drot
documentaire, 1962, noir et blanc, 58min
De Courtenay à Montmerte, série Bonnes adresses du passé
de Roland-Bernard
documentaire, 1969, noir et blanc, 49min
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Le Paris de Jean Eustache, par Alain Bergala | |||||||
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Le Paris de Jean-Luc Godard, par Alain Bergala | |||||||
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Le Paris de Maurice Pialat, par Pascal Mérigeau | |||||||
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Saint-Germain-des-Prés, par Frédéric Bas | |||||||
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janvier 2005
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