Parcours
Si Chris Marker est un cinéaste-voyageur, Paris n’en occupe pas moins une place centrale dans son oeuvre. En 1955, Dimanche à Pékin commence par ces mots : "Rien n’est plus beau que Paris, sinon le souvenir de Paris". Cette introduction résume la place de la capitale dans les premiers courts métrages. Le souvenir de Paris est présent avant
d’être au coeur de La jetée et du Joli Mai en 1962.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||
Tourné la même année, Le joli mai prend pour cadre Paris. En prologue, la voix d’Yves Montand s’interroge : "est-ce la plus belle ville du monde ?" Marker s’intéresse à la situation de la France après la guerre d’Algérie. Dans la première partie Prière sur la tour Eiffel (1), il rencontre des habitants en différents lieux de la capitale : le Sentier, la rue Mouffetard, les Champs-Elysées, la
Bourse, mais aussi les HLM. Dans la seconde, Le retour de Fantômas, le ton se fait plus politique. On voit les chars devant l’Assemblée nationale, les funérailles des morts de la station Charonne,
le témoignage d’un prêtre ouvrier, d’un étudiant noir, d’un jeune ingénieur algérien, de trois sœurs des beaux quartiers,
et des prisonnières de la Roquette. Le film accorde une importance aux détails, mains et visages. La technique du cinéma direct
est reprise avec From Chris to Christo qui s’intéresse à "l’empaquetage" du Pont-Neuf du 23 septembre au 6 octobre 1985. Marker saisit des bribes de conversations. Il aura à nouveau recours au cinéma
direct pour Eclipse tourné au jardin des Plantes lors de l’éclipse totale du 11 août 1999. Mais la réalisation la plus importante de ces dernières
années selon la méthode du cinéma vérité est Chats perchés. En suivant "M. Chat", apparu sur les murs de la capitale, Marker rend hommage à l’art de la rue et revient sur les événements marquants du début
du 21e siècle : le 11 septembre 2001 à New-York, le 21 avril 2002 en France, ainsi que la guerre en Irak. C’est dans le métro
parisien que ce font entendre les bombardements sur Bagdad. La promenade de Marker peut rappeler Les dites cariatides d’Agnès Varda, mais sur un mode plus politique et actuel.
(1) A l'origine, le métrage du Joli mai était beaucoup plus important que celui que nous connaissons. Jouer à Paris de Catherine Varlin permet d'avoir un aperçu des scènes non retenues.
|
|
|||||
L’événement qui conduit Chris Marker a réaliser ce second long métrage est le coup d’Etat au Chili d’Augusto Pinochet contre
Salvador Allende le 11 septembre 1973. Après avoir écrit le commentaire de La spirale qui dénonce l’implication américaine dans l’événement, Marker réalise La solitude du chanteur de fond qui s’intéresse à la préparation du récital donné par Yves Montand en faveur des réfugiés chiliens le 14 avril 1974 à l’Olympia, et L’ambassade qui met en scène un coup d’Etat dans un pays dont on ignore le nom jusqu’au plan final parisien sur la tour Eiffel. Comme
Le joli Mai, Le fond de l’air est rouge comprend deux parties, Les mains fragiles et Les mains coupées, et couvre la décennie de 1967 à 1977. Après une première version de quatre heures sortie en 1978, le cinéaste propose en
1988 une version internationale de trois heures puis, dix ans plus tard, une seconde de la même durée, Le fond de l'air est rouge, révision 1997. Un épilogue dit par Jean-Claude Dauphin est ajouté en 1993.
Ce post-scriptum est contemporain du Tombeau d’Alexandre qui retrace la vie d’Alexandre Ivanovitch Medvedkine. On sait que c’est ce nom que l’auteur d’A bientôt, j’espère suggéra aux groupes de cinéastes ouvriers qui se formèrent autour de 1968 à Besançon et à Sochaux. Le premier film de Marker
consacré à Medvedkine est Le train en marche tourné dans un wagon du dépôt de Noisy-le-Sec en 1971, et dont des extraits sont repris dans Le tombeau d’Alexandre en 1993. Ce court métrage servit d’introduction à la sortie française du Bonheur à l’occasion de Noël 71. Dans Le tombeau d’Alexandre, on voit les murs de Paris couverts d’affiches annonçant la sortie du Bonheur. Le portrait de Medvedkine est dédié à Jacques Ledoux, fondateur de la Cinémathèque Royale de Bruxelles. On voit son image
à travers une photographie de La jetée où il interprétait le rôle du savant du camp souterrain. Dans la série Cinéastes de notre temps, Marker consacra un autre film à un cinéaste soviétique : Andrei Tarkovski, auteur du Sacrifice dont le cinéaste français avait suivi une partie du tournage en Suède. Marker y filme la dernière année de la vie de Tarkovski
avec sa femme et son fils à Paris.
(2) Sigle qui signifie "éléphant" en russe et qui tient lieu d'acronyme à la Société de Lancement des Oeuvres Nouvelles. En 1974, Slon devient Iskra : Image
Son Kinétoscope Réalisation Audiovisuelle, mot qui en russe signifie "étincelle".
|
|
|||||
Avec Sans soleil, Chris Marker retourne aux films de voyage. Ce troisième long métrage est un "remake" de La jetée auquel il est fait référence à deux reprises à travers le bar La jetée à Tokyo où est reprise la musique du court métrage de 1962 et au jardin des Plantes où on retrouve la coupe de séquoia couverte
de dates historiques, mais en couleur et dans un mouvement de caméra. Entre l’Afrique et le Japon, Marker pose sa caméra en
Ile-de-France et plus particulièrement au Château Sauvage à Emancé près de Rambouillet dont la réserve zoologique comprend
des émeus, véritables figures tutélaires de Sans soleil. Commandé par la CFDT pour célébrer le premier siècle du syndicalisme, 2084 poursuit Le fond de l’air est rouge tout en s’inscrivant dans les années 1980. Le titre est un renvoi à 1984 de George Orwell. Marker imagine les différentes options possibles pour le bicentenaire du syndicalisme le 29 mars 2084 à
travers trois couleurs : noire, grise ou bleue.
Le film qui clôt l’oeuvre de voyage est Level 5, une suite libre de Sans soleil, qui s’intéresse à la bataille d’Okinawa, la dernière de la guerre du Pacifique. Interprétée par Catherine Belkhodja, Laura
est montrée à Paris et au Château Sauvage.
|
|
|||||
Parmi les courts métrages auxquels contribua Marker dans les années 1950, on trouve Django Reinhardt de Paul Paviot. Dans La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, Signoret se souvient des centres d’intérêt des jeunes gens des années 1930, notamment le Hot Club : "A la maison de la Chimie se donnaient les premiers concerts avec Django", dit-elle. Parmi les collaborations de ces dernières années, on trouve Le souvenir d’un avenir coréalisé avec Yannick Bellon, d’après les archives photographiques de Denise Bellon. Le film porte une dédicace : "Pour Claude et pour Loleh". Il s’agit de Claude Roy et Loleh Bellon. C’est grâce au premier que Marker réalisa Dimanche à Pékin et c’est à un quatrain de celui-ci qu’est emprunté le titre du film : Parti pour ne plus revenir / Et n’étant plus que pour moi-même / Le souvenir d’un avenir / Qui s’était cru d’espèce humaine . Quant à Loleh Bellon, comédienne et sœur de la coréalisatrice, Yannick Bellon, elle fut la compagne de Claude Roy. Le film
s’ouvre et se clôt par les deux expositions surréalistes de 1938 et 1947.
En évoquant ce milieu du XXe siècle en 1999, Marker semble compléter Paris 1900 de Nicole Védrès, un film sur lequel Yannick Bellon était assistante monteuse et Alain Resnais assistant réalisateur. Si Paris occupe une place importante dans l’œuvre de Marker, c’est grâce à ce film, cité aussi bien
dans Le joli Mai que dans Level 5 et dont toute la filmographie de Marker est une prolongation, jusqu’à imaginer un Paris futur.
|
|
|
|||||||
Années 1960 - Paris, Mai 68 | |||||||
|
|||||||
Un siècle de documentaires | |||||||
|
|
|||||||
La société de production et de diffusion ISKRA : http://www.iskra.fr | |||||||
|
Bamchade Pourvali
Bamchade Pourvali est l'auteur de Chris Marker (Cahiers du cinéma, 2003), Godard neuf zéro (Séguier, 2006) et Wong Kar-wai (Amandier, 2007)
21 novembre 2008
|
Rechercher
Pour choisir un film, taper un ou plusieurs mots (nom, thème, titre, collection, auteur...):