Parcours
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par Frédéric Hardouin
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P121 | |||||
Paris la nuit réalisée en 1956 avec Jean Valère
collection Paris Île-de-France
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En 1969, Jacques Baratier consacre un documentaire à René Clair, pour la fameuse collection Cinéastes de notre temps qui est destinée à la télévision - Baratier gardera tout au long de sa vie une admiration inconditionnelle pour René Clair.
Il est intéressant ici de s'attacher aux points communs qu'il peut y avoir entre les deux metteurs en scène. En effet, Baratier,
dirigeant l'entretien, emmène le cinéaste sur des terrains qui lui sont chers. Parmi ces points communs, on peut d'emblée
citer l'amour sans borne que tous deux portent à Paris. Plus profondément, Paris est un décor de cinéma, qui suscite un immense
univers de fiction. Baratier, tout comme Clair, en usera volontiers.
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Dès lors, ce petit monde germano-pratin est très vite qualifié "d'existentialiste" par les journalistes qui n'ont pas lu Sartre et qui cherchent à vendre du papier. En vingt ans, Saint-Germain-des-Prés a
bien changé, et c'est là l'autre intérêt du documentaire de Baratier : dans les années 1960, le be-bop se substitue au jazz
de la "Nouvelle Orléans" ; les boutiques de mode, les cinémas et les drugstores ont remplacé les terrains vagues et les bars. Le quartier, autrefois
anarchiste, nihiliste et surréaliste, s'est embourgeoisé, dénaturé ; mais, nous dit le film, il reste malgré tout vivant et
singulier.
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L'œuvre majeure de cette première période reste sans conteste Paris la nuit, réalisée en 1956 avec Jean Valère. A l'aide de saynètes et d'un montage symbolique, le film trouve tout naturellement sa
forme novatrice : les associations de plans sont créatrices d'instants poétiques et insolites, ou simplement anecdotiques.
C'est certainement ce qui a conduit le jury de Berlin a lui décerner l'Ours d'or, lors du festival de 1956. On découvre la vie nocturne de la capitale à travers Pigalle, les magasins des Grands Boulevards,
les lieux hautement significatifs que sont les Champs-Elysées ou la place de la Concorde. Paris la nuit a su garder toute sa poésie, tour à tour teintée de réalisme et de surréalisme.
Ces trois courts métrages documentaires innovent par l'utilisation en décors naturels des rues parisiennes, et annoncent dès
lors ce que fera la Nouvelle Vague quelques années après.
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En 1963, Baratier réalise Dragées au poivre et reprend à son compte la façon qu'ont les jeunes cinéastes français (Godard, Truffaut, Rivette, Resnais, etc.) de réaliser leurs films : un tournage rapide, une équipe technique réduite, une part d'improvisation, un certain franc-parler
des comédiens, et surtout des décors naturels. N'y a-t-il pas que Paris pour symboliser cette Nouvelle Vague ? Baratier ne s'y trompe pas. Il filme ses comédiens sur les Champs-Elysées, dans le bois de Boulogne, ou dans une cave de
Saint-Germain, "à la manière de…".
Mais si ces Dragées sont bel et bien le témoin d'une nouvelle ère, le film en marque également la fin. Concernant les multiples allusions à la
Nouvelle Vague, Baratier n'hésite pas à utiliser la provocation : le système de production désiré et mis en œuvre par cette
Vague est ouvertement mis en abîme. Désormais, on interroge des prostituées sur le trottoir (parodiant Vivre sa vie de Godard), on écoute d'absurdes discussions dans les bars (parodiant L'année dernière à Marienbad de Resnais), etc. Aussi, les acteurs semblent interpréter de simples figurants et, au final, c'est assurément Paris qui devient
le personnage principal du film.
Deux ans plus tard, Baratier renouvelle l'expérience avec L'or du duc. Paris devient explicitement le théâtre de la fiction, à travers un film de course-poursuite menée dans la capitale. Paris
y est omniprésent, et bon nombre de séquences sont interprétées dans de célèbres endroits : la place du parvis de Notre-Dame
et sa cathédrale, la place Vendôme, la basilique du Sacré-Cœur et ses escaliers, les salles de ventes de la maison Drouot,
la place de la Concorde, ainsi que quelques quartiers plus populaires. Ceci étant, il ne s'agit pourtant pas d'une carte postale
: les scènes qui sont tournées en ces lieux priment ouvertement sur le décor, la toile de fond. Ainsi, les différentes architectures
sont rarement montrées dans leur ensemble.
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En 1974, dans Vous intéressez-vous à la chose ?, film érotique réalisé en plein cœur de l'apothéose du genre cinématographique, Baratier lance sa fiction dans une famille
venue passer sans doute ses dernières vacances dans une belle petite propriété située en banlieue. Dernières vacances en effet,
puisque la villa est encerclée par la construction de tours et de H.L.M. Du coup, la vision nostalgique que nous offre le
cinéaste sur ces ultimes retrouvailles en famille fait écho au sentiment de résignation inspiré par le bouleversement du paysage
urbain alors en pleine métamorphose.
Le thème de la banlieue, sous-jacent dans ces deux opus, est cette fois abordé de front dans La ville bidon. A l'origine, Baratier tourne pour la télévision La décharge, en 1968, avec l'aide de l'écrivain Christiane Rochefort (auteur, entre autres, des Petits enfants du siècle) qui signe le scénario. Après visionnage, l'O.R.T.F. refuse de diffuser le film pour sa "noirceur pessimiste". Cinq ans plus tard, Baratier décide de reprendre son film, d'ajouter quelques séquences nouvellement tournées, et d'en refaire
le montage : La décharge devient ainsi La ville bidon.
La littérature de Rochefort correspond à une réalité sociologique profondément en phase avec le monde contemporain, dont Baratier
se fait écho avec La ville bidon : dès la seconde moitié des années 1960, et ce jusqu'à la fin des années 1970, la France met en place une politique du logement
pour faire face aux vagues d'immigrations. Toutes sortes d'opérations immobilières seront entreprises et vigoureusement encouragées
par les pouvoirs publics. Ainsi se construisent de véritables villes aux délires architecturaux, basées sur une certaine "qualité de vie" comme l'affirme l'un des personnages du film, face à la réalité de ceux qui les occupent. L'enjeu du film de Baratier est
bien de montrer le "décalage" entre ce que l'on décrit des villes nouvelles et cette réalité. Baratier prend alors l'exemple de Créteil, où les fondations
de la cité commençaient à peine. A travers son film, Baratier dénonce les méfaits de l'urbanisation à outrance (envolée de
racisme, ghettoïsation de certains quartiers, etc.) alors que, paradoxalement, Créteil devient fièrement le symbole de la
nouvelle politique de la ville.
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En 2003, Baratier revient à son premier amour, Saint-Germain-des-Prés, avec Rien voilà l'ordre. Le film se déroule dans un asile situé près de Paris. Au cours d'une scène, le pensionnaire s'enfuit de l'hôpital psychiatrique
pour retrouver Saint-Germain. La séquence, emprunte d'une certaine nostalgie, est des plus significatives : Baratier, qui
depuis trente ans a ressenti la métamorphose urbaine comme une oppression, s'échappe du "monde" pour retourner au quartier de sa jeunesse. Toutes les routes mènent à Saint-Germain !
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Désordre
de Jacques Baratier
avec Anne-Marie Cazalis, Juliette Gréco et Boris Vian
1949, 18min
La cité du midi
de Jacques Baratier
avec Michel Simon
1951, 15min
Chevalier de Ménilmontant
de Jacques Baratier
avec Maurice Chevalier
1953, 11min
de Jacques Baratier
avec A. Adamov, R. Blin, M. de Ré et R. Vadim
1966, 24min
René Clair, série Cinéastes de notre temps
de Jacques Baratier
1969, 55min
de Jacques Baratier
avec A. Karina, S. Signoret, G. Bedos et S. Daumier
1963, 1h04min
La décharge
de Jacques Baratier
avec Bernadette Laffont et Daniel Duval
1968, 1h17min
Vous intéressez-vous à la chose ?
de Jacques Baratier
avec Nathalie Delon
1974, 1h22min
Rien voilà l'ordre
de Jacques Baratier
avec Claude Rich, Macha Méril, James Thierrée et Amira Casar
2003, 2h33min
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Jacques Baratier. L'aventure cinéma, Frédéric Hardouin, Nouveau monde, 2006
"Vous intéressez-vous à la chose ?", André Cornand, in La revue du cinéma, mai 1974
"Jacques Baratier cinéaste à éclipses", Henry de Mongabure, in Le Figaro, 20 janvier 1976
"Jacques Baratier", Guy Allombert, in La revue du cinéma, février 1986
"Dossier Baratier" , in Midi-Minuit Fantastique, avril 1970
"Entretien avec Jacques Baratier" , in Cinéma Méditerranéen, Actes des 9e Rencontres, 1987
"Jacques Baratier", Claire Clouzot, in Le cinéma français depuis la Nouvelle Vague, Fernand Nathan / Alliance française, 1972
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Le Paris de René Clair, par Noël Herpe | |||||||
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Le Paris de la Nouvelle Vague, par Jean Douchet | |||||||
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Frédéric Hardouin
Titulaire d'un DEA d'études cinématographiques, Frédéric Hardouin a écrit un ouvrage consacré à l'œuvre du cinéaste : Jacques Baratier, L'aventure cinéma (2006).
mars 2004
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